La Minière de Bakwanga (MIBA) continue de susciter de vives interrogations quant à sa reprise, alors que des investissements totalisant près de 200 millions de dollars ont été annoncés depuis quelques années sans qu’un redémarrage effectif ne se matérialise. Dès 2020, un accord a permis de débloquer un premier versement de 30 millions de dollars afin de combler d’anciennes dettes sociales, tandis que d’autres financements, incluant une somme de 180 millions de dollars destinée à renouveler l’outil de production et à réhabiliter la centrale hydroélectrique de Tshiala, étaient prévus avec des partenariats étrangers. Par ailleurs, le gouvernement congolais est intervenu à plusieurs reprises, octroyant par exemple 5 millions de dollars en septembre 2020, assurant une subvention mensuelle avoisinant le million de dollars depuis 2022 et validant, en août 2024, un plan de redressement de 70 millions de dollars visant à réorganiser l’activité de l’entreprise pour atteindre, d’ici 2026, une production d’environ 2,4 millions de carats par an générant un chiffre d’affaires annuel de l’ordre de 59 millions de dollars.
Pourtant, ces injections financières ne suffisent pas à relancer la MIBA. L’entreprise fait face à un déficit de trésorerie constant et à un déséquilibre économique majeur : le coût de production d’un carat s’élève à environ 20 dollars alors que sa vente ne rapporte que 15 dollars, ce qui compromet la viabilité du modèle actuel sans une révision profonde des méthodes employées. En outre, l’absence d’un dossier de redressement formel et la communication insuffisante entre les ministères compétents – Portefeuille, Mines et Finances – ont conduit à des discussions informelles qui retardent la mise en œuvre des actions de modernisation.
Parallèlement, des conflits internes compliquent davantage la situation. La nomination d’un nouveau Conseil d’administration en 2023, dirigé par Jean-Charles Okoto, n’a pas réussi à instaurer une cohésion entre les responsables de la direction, notamment entre le Directeur Général, André Kabanda, et certains cadres issus de l’ancien actionnariat. Cette discorde a abouti à la signature, sans l’aval complet du Conseil, d’un contrat de prêt de 45 millions de dollars avec un partenaire étranger dont les conditions ont rapidement été jugées défavorables. Ces différends, aggravés par la disparition d’un actionnaire minoritaire à la suite d’une procédure judiciaire en Belgique, ont ébranlé la confiance des investisseurs et freiné l’initiative de redressement.
Sur le plan opérationnel, l’outil de production de la MIBA reste largement obsolète. Les installations, qui avaient connu une forte activité entre 1976 et 2008, requièrent une modernisation complète. Malgré l’acquisition récente de nouveaux engins miniers et quelques travaux de réparation sur les centrales hydroélectriques – dont la rénovation d’une unité pour atteindre une capacité d’environ 30 mégawatts – la production reste limitée en raison d’un manque d’énergie et de l’état critique des équipements de base. Par ailleurs, l’intrusion d’activités artisanales non réglementées sur les sites complique la sécurisation des zones d’exploitation.
Ces difficultés se répercutent fortement sur l’économie régionale du Kasaï-Oriental. Autrefois moteur de prospérité et source d’emplois pour des milliers de personnes, la MIBA est aujourd’hui à l’origine d’un chômage accru et de retards de paiement qui affectent aussi bien les travailleurs que les familles. La baisse d’activité de la mine a entraîné une diminution des recettes fiscales et une contraction de l’activité économique locale, aggravant la précarité dans une région historiquement riche en ressources naturelles. De plus, l’État congolais se trouve privé d’un apport régulier en devises issues des exportations de diamants, ce qui limite sa capacité à financer d’autres secteurs stratégiques.
Face à cette situation, plusieurs pistes de redressement sont envisagées. Le plan validé récemment prévoit une injection immédiate de fonds pour remettre en état les équipements essentiels, couvrir les charges salariales et initier progressivement l’exploitation sur certains sites pilotes. La restructuration financière passerait également par le transfert des dettes de la MIBA à des organismes publics, permettant ainsi de réduire le passif de l’entreprise et de faciliter l’arrivée de nouveaux partenaires. Parallèlement, des études de certification des réserves minières et une renégociation des contrats existants sont en cours afin de rassurer les investisseurs. L’instauration d’un dispositif rigoureux de contrôle, avec des audits réguliers et une transparence accrue dans la gestion des fonds, apparaît indispensable pour rétablir la confiance tant au niveau national qu’international.
En définitive, la relance de la MIBA dépend avant tout d’un réajustement en profondeur de son modèle économique et opérationnel. La modernisation des infrastructures, la stabilisation de la gouvernance et la mise en place d’un suivi rigoureux des investissements constituent les premières étapes d’un processus qui, s’il aboutit, pourrait redonner à l’entreprise sa place dans l’économie régionale et contribuer à la revitalisation du Kasaï-Oriental. Le succès de cette opération reposera sur la capacité des autorités et des partenaires à travailler de manière coordonnée pour transformer les ressources disponibles en une production rentable et pérenne.
— M. KOSI