Le 2 février, Donald Trump a officialisé l’application de nouvelles taxes à l’importation en imposant une surtaxe de 25 % sur les produits en provenance du Canada et du Mexique, assortie d’un supplément de 10 % pour certains produits énergétiques canadiens (pétrole, gaz naturel et électricité). Par ailleurs, une taxe de 10 % s’ajoute aux importations chinoises, notamment sur l’aluminium, en sus des droits déjà en vigueur. Dès novembre 2024, après sa réélection, le marché avait enregistré une hausse de la prime Midwest, passant de 530 $/tonne à une augmentation modérée de 12 %, bien inférieure à la progression de 90 % observée en 2018 lors d’une précédente mesure tarifaire. Toutefois, le 3 février, la prime a brusquement atteint 617 $/tonne, reflétant une réaction immédiate des opérateurs face à ces mesures, perçues davantage comme un instrument de pression sur les politiques de sécurité des frontières et de contrôle de l’immigration que comme un dispositif de protection économique.
Face à cette annonce, le gouvernement canadien a rapidement déclaré l’intention d’appliquer un contre-tarif de 25 % sur 30 milliards de dollars d’importations américaines, prévu pour le 4 février. Dans un contexte tendu, un accord entre les trois nations a permis de repousser l’application générale des droits de douane de 30 jours, tandis que la taxe additionnelle de 10 % sur les produits chinois est entrée en vigueur comme initialement prévu.
L’impact de ces mesures se manifeste particulièrement sur le marché de l’aluminium. Les États-Unis, qui importent environ 1,86 million de tonnes d’aluminium en 2024, ne disposent que de quatre fonderies actives assurant une production primaire d’environ 690 000 tonnes. Le Canada, qui fournit 93,75 % des importations américaines d’aluminium (soit environ 1,55 million de tonnes), est donc directement concerné par la hausse tarifaire, susceptible d’entraîner une répercussion immédiate sur les prix domestiques, comme le suggère l’augmentation rapide de la prime Midwest.
Cette situation pourrait inciter les exportateurs canadiens à détourner leur aluminium vers des marchés alternatifs, en particulier en Europe. Lors d’un appel de résultats trimestriels, le PDG d’Alcoa a indiqué qu’en cas de mise en œuvre stricte de ces droits de douane aux États-Unis, la production canadienne serait réorientée vers le vieux continent. Des indices préliminaires témoignent déjà de cette tendance : les offres d’aluminium canadien apparaissent sur le marché européen et la prime pour le P1020A à Rotterdam a reculé, passant de 370 $/tonne en début janvier à environ 320–330 $/tonne actuellement.
Par ailleurs, les acheteurs américains, en quête de solutions pour pallier la baisse d’approvisionnement, pourraient se tourner vers des fournisseurs situés au Moyen-Orient et en Inde, qui représentent à eux seuls 37 % de la production mondiale d’aluminium hors Chine en 2024. Toutefois, plusieurs contraintes – telles que les capacités limitées de fusion dans ces régions, des investissements insuffisants pour augmenter rapidement la production, et les récentes modifications de la politique de remboursement de taxes en Chine – pourraient limiter la capacité de ces sources à combler totalement le déficit précédemment assuré par le Canada. Dans ce contexte, certains marchés asiatiques voient déjà leurs primes augmenter, comme en témoigne la hausse de 30 % de la prime MJP au Japon, atteignant 228 $/tonne au premier trimestre 2025.
Au-delà de l’aluminium, l’ensemble des mesures tarifaires pourrait se répercuter sur un large éventail de produits et affecter plusieurs secteurs industriels. Si la situation persiste au-delà des 30 jours de délai accordé, une escalade de la tension commerciale pourrait se traduire par l’application de droits supplémentaires sur d’autres métaux importés, entraînant une augmentation générale des coûts pour les acheteurs américains et, par ricochet, pour les consommateurs finaux. Par ailleurs, les réponses rapides du Canada et des discussions en cours avec le Mexique laissent présager une série de réajustements dans les échanges commerciaux nord-américains, tandis que la Chine, par ses propres contre-mesures – incluant des taxes sur le charbon, le GNL et le pétrole brut – pourrait intensifier les perturbations dans les chaînes d’approvisionnement mondiales.
— M. KOSI