En 2015, la République démocratique du Congo (RDC) a marqué un tournant dans son paysage économique en mettant fin au monopole de la Société Nationale d’Assurances (SONAS). Avec l’adoption de la loi n°15/005 du 17 mars 2015 portant Code des assurances, le pays a ouvert son marché à de nouveaux acteurs, introduisant ainsi une concurrence inédite. Aujourd’hui, dix ans après cette réforme, un état des lieux s’impose pour évaluer les avancées et les défis de ce secteur en pleine mutation.
Une croissance marquée par une diversification des opérateurs
Depuis l’ouverture effective du marché en 2019, l’industrie de l’assurance en RDC affiche une expansion progressive. Les primes collectées sont passées de 70 millions USD en 2018 à 287 millions USD en 2022, avant d’atteindre 320 millions USD en 2023. Cette évolution traduit une amélioration de la structuration du secteur, accompagnée par une offre plus large et une meilleure accessibilité des services d’assurance.
L’arrivée de nouveaux acteurs a joué un rôle moteur dans cette transformation. Dès 2019, quatre sociétés ont été agréées : Activa Assurance RDC, Société Financière d’Assurance du Congo (SFA), Rawsur SA et Rawsur Life SA. En 2020, le marché a enregistré l’entrée de SUNU Assurances IARD, Mayfair Insurance Congo et Global Pionner Assurance (GPA). L’élargissement du paysage assurantiel a favorisé une offre plus compétitive et diversifiée, répondant aux besoins croissants des entreprises et des particuliers.
Un taux de pénétration encore faible malgré l’expansion du marché
Malgré cette dynamique, le secteur peine encore à s’ancrer profondément dans l’économie nationale. En 2022, le taux de pénétration des assurances n’atteignait que 0,46 % du PIB, un niveau encore loin des standards régionaux. Cette faible couverture s’explique en grande partie par un déficit de sensibilisation et une compréhension limitée des produits d’assurance au sein de la population.
Selon une enquête du cabinet Target, 47 % des Congolais connaissent l’assurance automobile, tandis que 35 % sont informés sur l’assurance maladie. En revanche, d’autres branches, comme l’assurance-vie ou l’assurance habitation, restent peu connues et sous-exploitées. Cette réalité souligne l’urgence d’une stratégie plus agressive de communication et de vulgarisation afin de renforcer la culture assurantielle dans le pays.
Face aux défis structurels et aux exigences de conformité, l’Autorité de Régulation et de Contrôle des Assurances (ARCA), mise en place en 2016, joue un rôle central dans la consolidation du marché. Son intervention vise à garantir le respect des normes établies tout en veillant à la protection des assurés.
Outre son rôle de supervision, l’ARCA s’investit également dans le renforcement des capacités des professionnels du secteur. Des programmes de formation ont été initiés pour garantir une montée en compétence des acteurs et professionnaliser davantage le domaine. Ces initiatives devraient, à terme, améliorer la confiance des consommateurs et optimiser la gestion des risques.
Perspectives et ajustements réglementaires
Alors que le secteur affiche une croissance encourageante, le gouvernement congolais entend désormais renforcer son encadrement afin d’assurer une expansion plus équilibrée. Le Ministre des Finances, Doudou Fwamba Likunde Li-Botayi, a récemment évoqué une révision du Code des assurances visant à combler certaines insuffisances réglementaires.
Parmi les ajustements envisagés figurent le renforcement des contrôles obligatoires, l’amélioration du cadre juridique des placements réglementés et l’introduction de nouvelles exigences de conformité. L’objectif est d’assurer une meilleure régulation du marché tout en consolidant la viabilité financière des compagnies d’assurance présentes sur le territoire.
L’essor du secteur repose également sur la confiance du public. L’amélioration de la qualité des services, la transparence des contrats et une meilleure gestion des sinistres figurent parmi les leviers qui pourraient stimuler l’adhésion des Congolais aux solutions assurantielles.
Dix ans après la libéralisation, le marché des assurances en RDC se positionne comme un levier de développement économique, bien que des défis subsistent. Si l’ouverture du marché a permis la création de milliers d’emplois et l’émergence d’une offre plus variée, la question du faible taux de pénétration demeure un enjeu central.
Les prochaines années seront déterminantes pour structurer durablement l’écosystème assurantiel en RDC. Un engagement accru des autorités, couplé à des stratégies de sensibilisation efficaces et à des mécanismes de régulation renforcés, pourrait permettre au secteur de jouer un rôle plus important dans l’économie nationale.
— M. KOSI