RDC — réseau routier à bout de souffle (3 % en bon état), budgets mal orientés et dépendance aux chantiers miniers

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routes de desserte agricole

Sur environ 153 000 km de routes, 3 % seulement restent en bon état. À Kinshasa, près de 75 % des voiries sont dégradées. La circulation des biens ralentit, les coûts logistiques montent, l’accès aux services recule. L’économie paie la facture sous forme de prix élevés, de pertes de temps et d’érosion des marges.

Entretenir d’abord, cibler mieux : ce que disent les chiffres

Le cœur du problème se lit dans l’allocation des crédits et la faiblesse du contrôle technique. Au T4 2024, le FONER a décaissé 25 534 376,84 USD. L’OVD a capté 67,8 % (17 325 210,42 USD) pour les voiries urbaines, l’OR 19,7 % (5 037 054,71 USD) pour le réseau national, les projets spéciaux 11,3 % (2 899 416,04 USD), le BTC 0,9 % (224 323,25 USD) et le MITP 0,2 % (48 372,42 USD). Avec un BTC sous-financé, la durabilité des travaux reste fragile. Résultat : on reconstruit souvent ce qui aurait dû être maintenu à coût moindre.

La chaîne agricole illustre l’impact économique direct. À distance égale de Kinshasa, une connexion pavée permet aux producteurs de maïs et de manioc d’obtenir +50 à +60 % sur leurs prix par rapport à une desserte en terre. Le mécanisme est simple : temps de trajet réduit, pertes post-récolte plus faibles, camions mieux remplis, fréquence de rotation plus élevée. Sans entretien, ces gains se volatilisent et la prime de prix disparaît avec la saison des pluies.

Côté investissement, l’État s’appuie fortement sur des schémas adossés aux ressources minières. Sicomines (68 % partenaires chinois, 32 % Gécamines) a financé 624 millions USD en 2024 et s’est engagée autour de 324 millions USD par an de 2025 à 2040. Cas d’école : la RN12 au Kongo Central (phase 2 annoncée début 2025) sur environ 120 km, axe unique d’accès à Tshela via la RN1 et Lukula, avec liaisons vers Seke-Banza et Mbanza-Ngungu par Luozi. Le cahier des charges intègre aussi des infrastructures de stockage, des écoles et des centres de santé. Ce flux financier stabilise la programmation des chantiers, mais expose la politique routière aux aléas contractuels et au cycle des matières premières. D’où l’importance d’un encadrement technique strict et d’audits réguliers.

La planification nationale fixe une cible claire : 15 836 km de réseau ultra-prioritaire à rouvrir pour rétablir l’interconnexion. Les bailleurs complètent le dispositif : Banque mondiale (PACT I avec mission d’appui en juin 2024 et pilotage en avril 2025), BAD (165 millions USD pour la 1ʳᵉ phase du corridor RDC–Angola et un fonds d’études lancé en août 2024), UE (projet Tshikapa–Mbuji-Mayi d’environ 150 millions EUR, dont la section Tshikapa–Kamuesha). Atout majeur de ces lignes : des standards techniques exigeants, des matrices de résultats et des évaluations d’impact.

Lecture économique et monétaire. Un réseau dégradé renchérit les coûts de transport, alimente les prix intérieurs des denrées et pèse sur l’inflation. Le taux directeur peut tenter de freiner la demande, mais une part du renchérissement provient de goulots logistiques. Réduire les coûts kilométriques via l’entretien préventif agit directement sur le panier alimentaire, améliore la balance des paiements par substitution d’importations et soutient les recettes fiscales grâce à des volumes formels plus élevés.

Ce qui doit changer, chiffres à l’appui :

  • Rééquilibrage du FONER. Relever la part de l’OR et donner une ligne identifiable et auditée à l’OVDA. Indicateurs cibles : kilomètres réellement remis en service, temps de parcours, coût de fret par tonne-kilomètre.
  • Desserte agricole adossée aux grands axes. Conditionner chaque chantier de RN ou de corridor à des segments de desserte vers les bassins de production. C’est là que se matérialisent les +50 à +60 % de revenus pour les producteurs.
  • Contrôle qualité. Porter le budget et les effectifs du BTC pour certifier matériaux, teneurs en liant, compactage et drainage. Un pourcentage dédié des décaissements d’entretien doit financer essais et inspections.
  • Encadrement des financements miniers. Appliquer les mêmes normes techniques et la même fréquence d’audits que pour les projets BM/BAD/UE ; publier les états d’avancement (coûts unitaires, délais, réserves).
  • Focalisation opérationnelle. Concentrez l’OR sur les 15 836 km jusqu’au rétablissement des liaisons interprovinciales, avec paiements indexés sur la performance (routes ouvertes toute l’année, trafic mesuré).

Message final pour les décideurs. Tant que 3 % du réseau seulement reste en bon état, chaque dollar d’investissement neuf s’use trop vite. La priorité économique est l’entretien préventif et la desserte agricole : deux leviers à effet rapide sur les prix, les marges et les recettes. Les financements existent ; la différence se jouera dans l’allocation, l’audit et la qualité d’exécution.

— Peter MOYI

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