Les économies africaines affichent une résilience notable malgré un contexte mondial marqué par des tensions géopolitiques, une inflation persistante et des défis climatiques. Selon les Perspectives économiques en Afrique 2024 publiées par la Banque africaine de développement, la croissance du PIB réel du continent, estimée à 3,1 % en 2023, devrait atteindre 3,7 % en 2024 et 4,3 % en 2025, positionnant l’Afrique comme la deuxième région à la croissance la plus rapide après l’Asie.
Cette progression masque toutefois des disparités régionales. L’Afrique de l’Est devrait conserver sa position de région la plus dynamique, avec une croissance prévue de 4,9 % en 2024 et 5,7 % en 2025. En Afrique de l’Ouest, la croissance devrait s’accélérer de 3,6 % en 2023 à 4,2 % en 2024, soutenue par des économies importantes telles que le Nigeria, la Côte d’Ivoire et le Ghana. L’Afrique du Nord pourrait connaître un léger ralentissement, avec une croissance projetée à 3,6 % en 2024, tandis que l’Afrique australe, freinée par la faible performance de l’Afrique du Sud, devrait enregistrer une croissance plus modeste de 2,2 % la même année.
Parallèlement, l’inflation moyenne en Afrique est passée de 14 % en 2022 à 17 % en 2023, principalement en raison de la hausse des prix des denrées alimentaires et de l’énergie. Cette pression inflationniste complique la mise en œuvre de politiques monétaires efficaces, notamment au Nigeria, au Soudan et au Ghana, pays parmi les plus touchés. De plus, la dette publique demeure élevée, avec un ratio médian s’établissant à 63,5 % du PIB, bien au-dessus des niveaux pré-pandémiques. Le service de la dette extérieure représente en moyenne 10,6 % des recettes publiques, limitant la capacité des États à investir dans des secteurs stratégiques tels que l’éducation et les infrastructures.
La transformation structurelle de l’économie africaine progresse lentement. Le secteur agricole, employant 42 % de la main-d’œuvre du continent, reste 60 % moins productif que l’économie dans son ensemble. Pour accélérer cette transformation, le développement du secteur des services à forte valeur ajoutée, notamment les technologies de l’information et de la communication (TIC), la finance et les industries créatives, est essentiel. Ce secteur représente 30 % des exportations africaines et offre un potentiel significatif pour la génération de devises et l’amélioration des compétences.
L’industrialisation demeure une priorité stratégique. L’Afrique doit combler un déficit de financement annuel de 402 milliards de dollars d’ici 2030 pour accélérer cette transition et rattraper les économies émergentes les plus performantes. L’investissement dans les infrastructures énergétiques et numériques est important pour améliorer la compétitivité du continent.
Par ailleurs, l’architecture financière mondiale actuelle est jugée inadaptée aux besoins du continent. Les coûts d’emprunt pour les États africains restent élevés, avec des taux d’intérêt supérieurs à ceux des économies avancées et émergentes. L’accès aux financements internationaux est également entravé par des exigences strictes et des critères d’évaluation souvent biaisés. La Banque africaine de développement plaide pour une réforme en profondeur du système financier mondial, notamment en recyclant les droits de tirage spéciaux (DTS) du FMI pour financer des projets de développement, en rendant plus accessibles les financements climatiques et en réduisant la perception du risque sur les marchés financiers afin d’abaisser les coûts d’emprunt pour les États africains.
Bien que les prévisions économiques pour l’Afrique en 2024-2025 soient encourageantes, des risques persistent, tels qu’une inflation élevée, une instabilité géopolitique, des pressions sur les finances publiques et des vulnérabilités climatiques. Néanmoins, le continent dispose d’opportunités de croissance réelles, notamment grâce à l’essor du numérique et des services à haute valeur ajoutée, à un rééquilibrage progressif de son économie vers l’industrialisation et à une réforme ambitieuse du système financier mondial. Pour les décideurs africains, l’enjeu sera de mobiliser efficacement les ressources internes et externes, tout en garantissant une gestion rigoureuse des finances publiques et une gouvernance économique stable.
— Peter MOYI






