Corridor de Banana : 1,3 mrd USD au port, 900 M USD sur la RN1 — ce que cela change dès 2026

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Banana-port

La RDC avance sur deux fronts complémentaires : la modernisation de la RN1 entre Sakania et Banana (environ 3 130 km) et la construction d’un port en eau profonde à Banana. Objectif annoncé : un corridor opérationnel d’ici fin 2027, avec un budget routier d’environ 900 millions USD (dont 130 millions engagés au démarrage) et un terminal calibré à 450 000 EVP par an. Sur le terrain, la section prioritaire Mbuji-Mayi–Nguba (~848 km) concentre les travaux : reprise des assises, revêtement bitumineux, ouvrages anti-érosion, ponts neufs. Entre avril et septembre 2025, 142 km Lubudi–Nguba sont mis en état de circulation, puis recouverts de bitume, ce qui rétablit la continuité des flux entre le Lualaba et le Kasaï. Côté maritime, DP World a confié la phase 1 à Mota-Engil dans le cadre d’un PPP de 1,3 milliard USD : quai de 600 m, tirant d’eau 18 m, parc de 30 ha, guichet unique. La première séquence de dragage s’achève au 1ᵉʳ juillet 2025 et la mise en service ciblée reste le début 2027. Une phase 2 prolongera le quai de plus de 2 km pour accueillir des porte-conteneurs de grande capacité. Dernier segment attendu : une liaison routière Banana–Kinshasa via Matadi (~450 km) en étude de faisabilité afin d’arrimer le terminal au bassin de consommation de la capitale et au réseau intérieur.

Quels gains sur les coûts logistiques et la liquidité des opérateurs ?

Port of Banana

La logique économique tient en trois leviers. D’abord, l’accès direct à l’Atlantique réduit les ruptures de charge et stabilise les délais de transit. Un tirant d’eau de 18 m autorise des navires plus grands, donc un coût par EVP plus bas. L’effet prix se matérialise aussi par la centralisation douanière au port : moins d’immobilisations de stock, meilleure rotation des actifs, tension moindre sur la trésorerie des manutentionnaires et chargeurs. Ensuite, la RN1 modernisée diminue les coûts unitaires au kilomètre pour les flux miniers (cuivre, cobalt) du Haut-Katanga et du Lualaba, et pour les produits agricoles du Kwilu et du Kasaï. Moins de pertes en route, moins de maintenance imprévue sur les camions, plus de prévisibilité pour les affréteurs : la marge se rejoue sur la fiabilité plutôt que sur la seule négociation tarifaire. Enfin, l’articulation route-rail-port conditionne la montée en volume. À capacité portuaire constante, chaque journée gagnée sur cycle camion–quai libère du besoin en fonds de roulement et abaisse le point mort des opérateurs.

Les indicateurs d’avancement confirment la trajectoire. Lancement officiel du tronçon prioritaire en juillet 2024 à Kolwezi ; six entreprises mobilisées en parallèle pour compresser les délais ; sur Lubudi–Nguba, 142 km rendus praticables au printemps 2025 puis bitumés au troisième trimestre. Au maritime, la séquence de dragage bascule en phase 2 au second semestre 2025, tandis que les aménagements à quai et l’équipement terminal (grues, systèmes de gestion de yard) structurent la courbe d’apprentissage opérationnelle en amont de l’ouverture commerciale.

L’impact emploi suit la cadence des chantiers : BTP, carrières, transport, maintenance, services de restauration et d’hébergement autour des bases-vie. Les chiffres varient selon les sources, mais l’ordre de grandeur se compte en milliers de postes sur la phase de construction, avec des effets induits le long des axes secondaires (stations-service, ateliers, services logistiques). Pour capter durablement ces retombées, l’arbitrage public doit verrouiller la qualité d’exécution, la maintenance post-livraison et la normalisation des contrôles, sans quoi les gains de coûts se diluent en retards et surcoûts.

La question concurrente-complémentaire du corridor de Lobito pèse sur la carte des flux. Un paquet financier d’environ 6 milliards USD, dont 4 milliards américains, vise l’évacuation des minerais critiques via l’Angola. La RDC parie, avec Sakania–Banana, sur une chaîne 100 % nationale pour capter davantage de recettes parafiscales et sécuriser ses arbitrages de change et de balance des paiements. Dans les deux cas, la comparaison se fera sur des métriques tangibles : coût porte-à-porte par tonne ou par EVP, délai médian de transit, taux de fiabilité des fenêtres navires, disponibilité du matériel roulant, taux d’immobilisation aux postes de contrôle.

Reste la gouvernance contractuelle. Le mix DP World au port et entreprises chinoises sur la RN1 dans le cadre « ressources contre projets » implique des clauses précises sur délais, normes, pénalités, garanties et transfert de compétences. La transparence des engagements techniques et financiers facilite l’actualisation des cash-flows publics et limite le risque de dérive du service de la dette. Sur le plan énergétique, l’alimentation du terminal et des aires logistiques devra suivre le rythme des capacités installées, faute de quoi le goulot se déplacera vers les coûts d’exploitation.

À court terme, la feuille de route est lisible : livrer des sections carrossables supplémentaires sur Mbuji-Mayi–Nguba, finaliser les séquences de dragage et d’équipement à Banana, arrêter le tracé et le montage financier de la liaison Banana–Kinshasa. À moyen terme, enclencher l’effet réseau : interconnexions route-rail-port, zones d’entreposage et de pré-acheminement, procédures harmonisées. Si le jalon 2027 est tenu, le différentiel se lira dans les comptes d’exploitation des transporteurs et des chargeurs, puis dans les statistiques d’exportations et de recettes non fiscales. La suite dépendra de la discipline d’exécution et de la qualité de l’entretien après mise en service.

— Peter MOYI

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