« La République Démocratique du Congo : Nouvel Acteur Majeur des Échanges Économiques avec l’Afrique de l’Ouest » – Entretien Exclusif avec Nicole Sulu, Fondatrice du Réseau Makutano
Dans le contexte actuel, la coopération économique intracontinentale est reconnue comme un catalyseur essentiel du développement de l’Afrique. Au sein de la scène économique africaine, Nicole Sulu, la visionnaire fondatrice du réseau d’affaires Makutano, s’impose comme une figure de proue de la promotion du partenariat au sein du secteur privé. Dans cette interview exclusive accordée à La Tribune Afrique, Nicole Sulu aborde en profondeur des enjeux cruciaux liés à la mobilité dans les affaires et aux axes stratégiques de coopération au sein de l’Afrique.
La RDC : Un Pivot Économique vers l’Ouest de l’Afrique
Lorsque l’on évoque les relations économiques de la République Démocratique du Congo (RDC), notre pensée se tourne naturellement vers les échanges avec les pays d’Afrique de l’Est et australe. Cependant, nous devons désormais nous pencher sur les relations entre la RDC et l’Ouest du continent, plus précisément la Côte d’Ivoire, qui accueillera le Forum Makutano du 20 au 21 septembre.
Nicole Sulu explique que le poids économique du secteur minier a historiquement orienté les intérêts de la RDC vers l’Afrique australe et de l’Est, grâce aux ports de Durban en Afrique du Sud et de Dar es Salam en Tanzanie, qui sont essentiels pour les chaînes de valeur internationales. Cependant, un processus de diversification économique est en marche en RDC, ouvrant la voie à des partenariats économiques solides avec la Côte d’Ivoire et l’Afrique de l’Ouest.
Elle envisage un axe stratégique fort entre Abidjan, Kinshasa et Johannesburg, trois mégalopoles dynamiques. Johannesburg abrite déjà des géants du secteur privé panafricain comme MTN, tandis qu’Abidjan compte des groupes privés importants tels que SIFCA et NSIA. Kinshasa, en tant que trait d’union entre les deux, offre un marché gigantesque avec 15 millions d’habitants, faisant de lui un marché de taille critique. Des co-entreprises entre acteurs congolais et sud-africains sont déjà en place, et une dynamique similaire est attendue entre les acteurs congolais et ivoiriens. Le vol d’Air Côte d’Ivoire reliant Abidjan à Johannesburg via Kinshasa témoigne de cette vision prometteuse.
La RDC, en tant que pays-continent avec une population de 90 millions d’habitants et une croissance économique soutenue, s’ouvre à d’immenses opportunités pour les entreprises ivoiriennes. De plus, la région est stratégiquement située, car le corridor Abidjan-Lagos traverse 5 pays, regroupe 300 millions de personnes et représente 75% des échanges au sein de la CEDEAO.
Makutano : Une Nouvelle Destination à Abidjan
La décision de délocaliser le Forum Makutano à Abidjan huit ans après son lancement à Kinshasa ne constitue pas un changement de cap, mais plutôt une évolution naturelle. Nicole Sulu insiste sur la mission fondamentale du Forum Makutano et du réseau Makutano en général, qui consiste à promouvoir le progrès économique et social de l’Afrique par le développement du secteur privé et les échanges commerciaux.
Après sept éditions à Kinshasa et une à Brazzaville en 2018, le choix d’Abidjan s’est imposé comme une évidence. La Côte d’Ivoire représente 30% de l’économie de l’UEMOA et constitue la principale porte d’entrée de la région. Cette année, le forum se focalise spécifiquement sur la collaboration intra-africaine, renforçant ainsi l’internationalisation des échanges entre acteurs économiques et décideurs politiques.
Mobilité des Affaires : Un Impératif de l’Intégration Régionale
Dans l’ère de l’intégration régionale, en particulier avec la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAF), la mobilité des affaires, qu’il s’agisse de business ou de talents, devient cruciale. Nicole Sulu insiste sur l’importance de créer des interfaces facilitant les contacts entre le secteur public et privé pour explorer des opportunités commerciales.
La ZLECAF vise à aligner les politiques tarifaires et à éliminer les barrières non tarifaires aux échanges économiques. Cependant, pour maximiser son potentiel, il est essentiel d’encourager la mobilité des acteurs publics et privés au-delà des frontières. Cela favorise des partenariats concrets et durables, tout en maintenant une présence commerciale à l’étranger.
Préparation des Entreprises Congolaises au Marché Africain Unifié (ZLECAF)
Les entreprises congolaises, en collaboration avec le gouvernement, cherchent à créer un environnement d’investissement plus favorable. Cela nécessite l’élimination des barrières non tarifaires qui entravent les échanges commerciaux et les investissements étrangers. Cependant, la mise en œuvre de tels projets exige des relations étroites entre les acteurs panafricains et un dialogue approfondi sur les opportunités potentielles.
Défis de la Coopération Économique en Afrique
Plusieurs défis entravent depuis des années la coopération économique entre les pays africains. Parmi eux, le transport aérien difficile et la question des visas figurent en tête de liste. Nicole Sulu souligne que pour favoriser le commerce intra-africain, il est impératif de résoudre ces problèmes. Elle insiste sur la nécessité d’harmoniser les politiques nationales pour faciliter les échanges, d’investir dans les infrastructures de transport et de promouvoir la libre circulation des Africains sur le continent.
En conclusion, la coopération économique intra-africaine est en marche, et la RDC joue un rôle de plus en plus central dans cette dynamique. Le Forum Makutano à
Abidjan marque une étape importante dans le renforcement des liens économiques entre l’Ouest de l’Afrique et l’Afrique centrale, ouvrant la voie à de nouvelles opportunités de croissance et de prospérité pour tout le continent.