Le projet de port en eau profonde de Banana vise à offrir à la République démocratique du Congo un accès direct à l’Atlantique, contournant ainsi les limitations des installations fluviales actuelles à Matadi et Boma. Conçu pour renforcer l’activité commerciale du pays, ce chantier, dont le coût global est évalué à 1,2 milliard USD, se heurte à une série de difficultés qui freinent son avancement.
Initialement présenté sous la forme d’un partenariat entre l’opérateur international DP World, détenant 70 % du capital de la société en charge, et l’État, apporteur des terrains et d’une contribution de 30 %, le contrat signé en mars 2018 n’a vu aucun démarrage effectif pendant deux ans. Cette absence de mobilisation financière a contraint les parties à prolonger la convention de 18 mois. Face à ces retards, l’État a débloqué en décembre 2023 une somme d’environ 12 millions USD (soit 30 milliards CDF) et British International Investment s’est engagé pour 35 millions USD, soutenant ainsi la première phase qui comprend l’aménagement d’un quai de 600 mètres et la création d’une zone de 25 hectares, estimée à près de 350 millions USD.

Sur le plan administratif, le projet a connu d’importantes révisions. La concession, octroyée sans appel d’offres public sur une durée de 30 ans durant l’ère Kabila, a fait l’objet d’une révision en 2021 sous la présidence de Félix Tshisekedi. Trente-quatre points du contrat ont été renégociés afin d’assurer une meilleure protection des intérêts nationaux, même si ces ajustements ont engendré des retards supplémentaires. Par ailleurs, les tensions entre l’entreprise publique de transport portuaire, anciennement ONATRA et aujourd’hui SCTP, et les investisseurs privés ont alimenté les discussions, certains acteurs redoutant la perte de près de 13 000 emplois.
Le site retenu, à l’embouchure du fleuve Congo et en bordure d’un parc marin réputé pour ses mangroves, soulève par ailleurs des préoccupations quant aux répercussions sur la biodiversité locale. Des alertes émises par des ONG et des experts environnementaux portent notamment sur la préservation des populations de tortues marines et d’autres espèces présentes dans cette zone. Même si DP World a obtenu un certificat provisoire de l’Agence congolaise de l’environnement et s’est engagé à réaliser une étude d’impact détaillée, l’absence de transparence sur la version complète de ces études maintient un climat de méfiance parmi les observateurs.
Le chantier impose également une réorganisation du territoire. La mise en œuvre du port nécessite l’expropriation de surfaces occupées, notamment dans la péninsule de Banana, touchant des villages et des infrastructures telles que la base navale de Kitona. Pour gérer ces déplacements, l’État a mis en place une commission d’expropriation et d’indemnisation. Dès l’été 2022, environ 70 propriétaires avaient été recensés et indemnisés pour un montant total de 3 millions USD, chiffre qui a progressé pour atteindre près de 4 millions USD en fin d’année, au bénéfice de 142 ayants droit. Néanmoins, certains propriétaires continuent de refuser les compensations proposées, tandis que des voix locales dénoncent le recours majoritaire à une main-d’œuvre externe au détriment des travailleurs de la région.
Les défis techniques ne sont pas en reste. La réalisation d’un mur de soutènement de 2 kilomètres, destiné à garantir une profondeur de 17 à 18 mètres au niveau du quai, ainsi que la construction de routes internes et de bâtiments spécialisés, représentent des opérations d’ingénierie complexes. Malgré la pose symbolique de la première pierre en janvier 2022, les travaux se sont avérés particulièrement lents et, en juillet 2023, les installations n’étaient qu’à un stade préliminaire. L’échéance initiale, fixée pour fin 2024, a été repoussée et la fin de la première phase est désormais envisagée pour le premier semestre 2025. Parallèlement, la modernisation du corridor routier de 578 kilomètres reliant Banana à Kinshasa, ainsi que l’éventuelle réhabilitation de la liaison ferroviaire, s’imposent pour assurer une circulation efficace des marchandises, sans quoi le potentiel du nouveau port pourrait rester inexploité.
En définitive, la coexistence de difficultés financières, administratives, environnementales, sociales et techniques a considérablement ralenti ce chantier d’infrastructure stratégique. Toutefois, la révision des accords contractuels, l’injection récente de capitaux et la volonté affichée par les autorités de concilier les différentes revendications laissent entrevoir une reprise des travaux d’ici 2024-2025. Si ces obstacles actuels sont levés et que la coordination entre les partenaires se renforce, le port de Banana pourrait contribuer à réduire d’environ 12 % les coûts du commerce extérieur et stimuler l’activité économique régionale.
— M. KOSI






