Avec ses vastes ressources naturelles, la République Démocratique du Congo (RDC) occupe une position unique sur la scène mondiale des matières premières. Alors que le monde s’oriente vers une transition énergétique plus propre, la demande en minéraux dits « critiques » explose. Cependant, au-delà des discours sur la transition énergétique, il convient d’évaluer comment ces minerais pourraient impulser une transformation économique durable en RDC, et quelles stratégies le pays pourrait adopter pour ne pas rater cette opportunité.
Une richesse sous-exploitée malgré une demande mondiale croissante
La RDC possède plus de 60 % des réserves mondiales de cobalt, un élément clé pour la fabrication des batteries de véhicules électriques et d’autres technologies vertes. En 2023, les exportations congolaises de ce métal ont représenté près de 6 milliards de dollars, selon les données du Ministère des Mines. Cependant, malgré ce potentiel, une grande partie de la population vit toujours en dessous du seuil de pauvreté, les bénéfices générés n’étant pas réinjectés dans l’économie locale.
Le forum de l’Alternative Mining Indaba 2024, qui s’est tenu à Kolwezi, a été l’occasion pour les parties prenantes de se pencher sur cette problématique. Le principal défi pour la RDC réside dans la structuration de sa gouvernance minière afin de mieux gérer les revenus générés et d’améliorer la redistribution. L’absence d’un cadre national sur les minéraux critiques rend la gestion de ces ressources chaotique, augmentant les risques de corruption et de pertes financières pour le pays.
« La demande mondiale en minéraux critiques ne cesse de croître, mais cette croissance doit se traduire par des avantages économiques réels pour les Congolais », a déclaré un représentant de la société civile lors de l’ouverture de l’événement. Le forum a ainsi souligné la nécessité d’un plan de développement cohérent et d’une transparence accrue dans la gestion des revenus miniers.
Transformer les revenus miniers en levier de développement économique
Au lieu de se concentrer uniquement sur l’exportation brute de ces minerais, la RDC pourrait envisager de développer une chaîne de valeur locale. La transformation sur place des minerais en produits semi-finis ou finis offrirait une opportunité de diversification de l’économie. Actuellement, le pays exporte près de 90 % de ses ressources sous forme de matières premières, laissant peu de place à la création d’emplois locaux et à l’accroissement de la valeur ajoutée.
L’une des recommandations importantes de cette 8e édition de l’Alternative Mining Indaba est l’élaboration d’un cadre légal favorisant l’investissement dans la transformation locale. En instaurant des partenariats publics-privés, la RDC pourrait attirer des investisseurs pour la construction de raffineries et d’usines de production de batteries. Un tel projet permettrait non seulement de générer davantage de revenus, mais aussi de créer jusqu’à 200 000 emplois supplémentaires d’ici 2030.
Pour y parvenir, il est nécessaire que les autorités congolaises définissent des mesures incitatives claires, telles que des réductions fiscales ou des facilités administratives. Par ailleurs, une meilleure intégration des communautés locales dans la gouvernance des projets miniers permettrait de réduire les tensions sociales et d’assurer une répartition plus équitable des bénéfices.
Renforcer la gouvernance minière pour attirer des investisseurs
Un autre point d’attention lors du forum a été la question de la gouvernance. La RDC doit faire face à un environnement des affaires jugé peu attractif par de nombreux investisseurs, en raison de la corruption endémique et de l’instabilité politique. En 2023, plus de 50 % des projets miniers étrangers ont été abandonnés ou retardés en raison de problèmes liés à la réglementation et à la corruption, selon le rapport de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE).
Les participants ont donc plaidé pour la création d’une agence indépendante chargée de superviser la gestion des revenus miniers et de veiller au respect des normes environnementales et sociales. Cette agence pourrait jouer un rôle similaire à celui de l’ITIE, mais avec un mandat étendu, incluant la surveillance des contrats miniers et la transparence des transactions financières.
L’Indaba a également permis de mettre en avant l’importance de la digitalisation des processus administratifs. En adoptant des solutions technologiques, telles que les chaînes de blocs (blockchain), la RDC pourrait suivre et tracer efficacement les flux de minerais depuis l’extraction jusqu’à l’exportation. Cela réduirait le commerce illégal et augmenterait les recettes fiscales.
Favoriser l’innovation et la diversification économique
Au-delà de l’exploitation minière, la RDC a l’opportunité de se positionner comme un hub technologique pour les énergies renouvelables. En encourageant la recherche et le développement dans les nouvelles technologies de stockage d’énergie, le pays pourrait se placer en tête de la chaîne d’innovation mondiale. Actuellement, moins de 5 % des investissements en R&D dans le secteur énergétique en Afrique sont réalisés en RDC, un chiffre qui pourrait rapidement évoluer avec le bon cadre législatif et des partenariats stratégiques.
Enfin, le forum a insisté sur l’importance de développer des infrastructures adaptées pour soutenir l’industrialisation. La construction de routes, de centrales électriques et de ports modernes est essentielle pour attirer davantage d’investisseurs et faciliter l’exportation des produits transformés. Le Gouvernement congolais, en partenariat avec des bailleurs de fonds internationaux, pourrait ainsi initier un vaste programme de modernisation des infrastructures pour accompagner cette transition.
Vers une gestion plus durable et inclusive des ressources minières
L’édition 2024 de l’Alternative Mining Indaba a mis en lumière les possibilités offertes par une gestion plus durable et inclusive des ressources minières. Les recommandations issues de ce forum serviront de base à l’élaboration d’un plan stratégique national, axé sur la valorisation des minerais critiques et le renforcement de la transparence.
Avec une volonté politique affirmée et une meilleure coordination des parties prenantes, la RDC pourrait transformer ses ressources minières en levier de développement économique, tout en respectant les droits des communautés locales et en minimisant les impacts environnementaux. L’avenir de la RDC en tant que fournisseur mondial de minéraux critiques dépendra de sa capacité à tirer parti de cette richesse de manière durable et équitable.
M. MATUVOVANGA