Le projet de loi de finances 2025, récemment dévoilé par le gouvernement congolais, s’inscrit dans une volonté de transformation économique profonde, visant à consolider les acquis budgétaires tout en stimulant la croissance. D’un montant total de 49 846,8 milliards de francs congolais (environ 16,9 milliards USD), ce budget se distingue par une hausse des dépenses d’investissement. Cependant, l’analyse de sa structure et des projections laisse entrevoir des incertitudes sur le plan de la viabilité financière et de la gestion des dettes publiques.
Un budget porté par les investissements : un pari financier audacieux
En allouant 48,4 % du budget général aux investissements, le gouvernement affiche une ambition claire : moderniser les infrastructures et booster l’industrialisation. Cette enveloppe représente une augmentation notable par rapport aux 15,1 % des dépenses d’investissement de 2024. En revanche, cette stratégie repose largement sur des financements extérieurs, avec 12 136,3 milliards de FC d’emprunts prévus. Bien que ces fonds soient indispensables pour combler le déficit des infrastructures, la dépendance excessive aux crédits étrangers soulève des interrogations sur l’endettement futur.
La RDC, déjà confrontée à une dette publique élevée, pourrait voir sa marge de manœuvre budgétaire se réduire si la croissance escomptée n’est pas au rendez-vous. L’enjeu sera de s’assurer que ces emprunts sont utilisés de manière efficiente, afin d’éviter toute pression sur la capacité de remboursement à moyen terme.
pression fiscale en dessous des normes régionales : un potentiel inexploité
Le projet de loi prévoit une pression fiscale de 14,4 % du PIB, en légère augmentation par rapport à l’exercice précédent, mais encore loin des standards de la sous-région d’Afrique centrale, où les moyennes tournent autour de 18 à 20 %. Ce faible taux de pression fiscale est en grande partie lié à l’ampleur de l’économie informelle, qui échappe aux mécanismes de collecte fiscale. Pour pallier cette faiblesse, le gouvernement envisage l’élargissement de l’assiette fiscale et la formalisation de certaines activités, notamment dans le commerce de détail et l’artisanat minier.
L’objectif affiché de 31 719,1 milliards de FC de recettes fiscales repose sur une efficacité accrue des réformes du système de recouvrement des impôts. Toutefois, des doutes subsistent quant à la capacité de l’administration fiscale à mobiliser ces montants, surtout dans un environnement marqué par la corruption et des pratiques de gestion peu transparentes.
Financement du développement local : une répartition budgétaire à réviser
L’analyse des dépenses par secteur révèle une priorité accordée à la sécurité et à l’industrie, avec des augmentations respectives de 25,2 % et 26,9 % par rapport à l’exercice précédent. Cette tendance laisse peu de place aux secteurs comme l’agriculture et le développement rural, qui n’enregistrent qu’une hausse modeste de 16,4 %. Pourtant, l’agriculture, identifiée comme un levier de diversification économique, pourrait jouer un rôle central dans la réduction de la pauvreté et l’amélioration de la balance commerciale par la production locale.
Par ailleurs, le Programme de Développement Local des 145 Territoires (PDL-145), destiné à financer les infrastructures dans les zones rurales, ne bénéficie pas d’une allocation claire dans ce budget. Les fonds nécessaires à ce programme se trouvent dilués dans des lignes budgétaires générales, rendant toute évaluation de son impact difficile.
Le recours aux fonds spéciaux : une stratégie controversée pour relancer l’industrie
Pour dynamiser le secteur industriel, le gouvernement a recours à des fonds spéciaux tels que le Fonds de Promotion de l’Industrie (FPI) et le Fonds Minier pour les Générations Futures (FOMIN). Ces dispositifs, bien que pertinents dans l’intention, posent problème en matière de gouvernance et de transparence. Les précédentes gestions de ces fonds ont mis en lumière des pratiques de mauvaise gestion et des risques de détournements.
Le défi sera de mettre en place des mécanismes de contrôle rigoureux, pour garantir que ces ressources contribuent réellement à la modernisation des entreprises congolaises et à l’amélioration de la compétitivité du secteur minier. Une gestion optimale de ces fonds permettrait également d’attirer davantage d’investissements privés, nécessaires pour soutenir la croissance du secteur industriel et extractif.
Prévisions de croissance : une vision optimiste à confirmer par des actions concrètes
Le projet de loi de finances table sur un taux de croissance de 5,7 % pour l’année 2025, un chiffre qui repose sur la reprise des activités minières et la stabilisation de la production agricole. Toutefois, plusieurs facteurs pourraient peser sur la réalisation de cet objectif. Les aléas climatiques, l’instabilité politique, ainsi que la fluctuation des cours des matières premières restent des incertitudes majeures pour l’économie congolaise.
Pour soutenir cette croissance, le gouvernement devra accélérer les réformes structurelles, notamment dans le secteur des mines, qui constitue la principale source de devises du pays. La réduction de la dépendance aux exportations de cuivre et de cobalt, par la diversification de la chaîne de valeur minière, pourrait renforcer la résilience de l’économie face aux chocs externes.