Le franc congolais résiste face au dollar, mais perd du terrain face à l’euro et à d’autres devises clés. Le taux indicatif reste figé à 2 864,8459 CDF/USD depuis plusieurs jours, traduisant une intervention active de la Banque Centrale du Congo (BCC). En parallèle, la dépréciation de la monnaie face à l’euro (3 269,65 CDF), à la livre sterling (3 883,45 CDF) et au franc suisse (3 497,76 CDF) gonfle le coût des importations, notamment pour les secteurs stratégiques comme la santé, l’agriculture et les transports.
L’inflation, bien qu’en léger recul, continue d’éroder le pouvoir d’achat. À fin mai, elle s’établit à 9,08 % en glissement annuel. Les prévisions annualisées tournent autour de 8,71 %. Ce fléchissement reste trop lent pour alléger la pression sur les ménages vulnérables. L’absence d’un choc positif sur l’offre nationale ou d’un soutien budgétaire ciblé enfonce davantage les foyers à faibles revenus dans la précarité.
Depuis près de deux ans, le taux directeur reste ancré à 25 %. Cette politique, qualifiée de rigoureuse par la BCC, freine l’inflation mais comprime sévèrement l’accès au crédit. Les taux appliqués aux opérations interbancaires et aux facilités de prêt sont si élevés qu’ils dissuadent toute velléité d’emprunt. Résultat : les banques préfèrent souscrire aux bons émis par la BCC, dont les rendements atteignent 25 % sur 84 jours, plutôt que de soutenir les projets économiques à long terme.
L’analyse hebdomadaire montre une croissance monétaire contenue, avec un indicateur synthétique (INS) cumulant à 0,641. Une performance qui rassure les bailleurs de fonds, mais qui révèle une autre facette : l’investissement productif est au point mort. Le crédit reste cantonné aux grandes entreprises ou aux secteurs à faible risque, laissant les PME, les coopératives et les jeunes porteurs de projets à l’écart.
Cette gestion serrée crée un paradoxe. D’un côté, la stabilité du change donne une illusion de solidité macroéconomique ; de l’autre, l’économie réelle se fige. L’obsession du contrôle monétaire empêche toute impulsion vers la croissance inclusive. Et sans relance coordonnée avec le ministère des Finances, la politique monétaire seule risque d’étouffer la reprise.
Dans ce climat, plusieurs pistes s’ouvrent. Une baisse progressive du taux directeur, à condition que l’inflation glisse sous les 8 %, permettrait de réinjecter du souffle dans le secteur privé. Un financement à taux préférentiel des chaînes agricoles et logistiques renforcerait la résilience face aux chocs extérieurs. L’État devrait également initier un plan ambitieux de réduction des importations non essentielles, en misant sur des incitations à la production locale.
Mais tout cela ne peut se faire sans une coordination renforcée entre la BCC et le Trésor. Une telle synergie permettrait d’éviter les incohérences entre discipline monétaire et choix budgétaires, souvent contradictoires. Car injecter des liquidités d’un côté tout en les aspirant de l’autre ne peut produire que de la stagnation.
La conjoncture au 6 juin 2025 reflète un pilotage précis mais isolé. Le franc congolais tient, mais à quel prix ? Le tissu économique reste fragile, les entreprises tournent au ralenti, et la croissance attend toujours son moteur. Si la RDC veut s’ancrer durablement dans un cycle vertueux, elle devra sortir de cette logique défensive pour embrasser une stratégie de transformation productive, cohérente et partagée.
— M. KOSI






