La Chambre de commerce et d’industrie Afrique/RDC a rassemblé ce samedi à Kinshasa une large palette d’acteurs économiques autour d’une même ambition : structurer enfin un véritable tissu entrepreneurial autour de l’agro-industrie en République démocratique du Congo. Un pari économique autant qu’un défi stratégique pour un pays dont la dépendance aux importations alimentaires reste persistante malgré son potentiel agricole immense.
Gaby Kalumba, président de la CCI Afrique-RDC, a ouvert les débats en soulignant que la création d’un écosystème agro-industriel solide, innovant et inclusif devait s’imposer comme un levier pour combattre la pauvreté et stimuler l’emploi. « Ce que nous proposons, c’est un modèle qui transforme notre capacité agricole en produits finis, adaptés aux besoins de nos communautés », a-t-il affirmé devant une audience composée d’entrepreneurs, de chercheurs, d’agronomes et de représentants des ministères concernés.
Le forum s’est articulé autour d’un diagnostic structuré du secteur. Première étape : identifier les différents acteurs, souvent éparpillés ou peu structurés, qui évoluent dans la chaîne de valeur agro-industrielle — des producteurs ruraux aux unités de transformation semi-artisanales en passant par les investisseurs potentiels. Ensuite : dresser un tableau précis des opportunités commerciales et des freins, notamment liés à la fiscalité parallèle, au manque d’infrastructures ou encore à l’absence de soutien technique cohérent.
Les participants ont insisté sur la nécessité d’un accompagnement gouvernemental mieux ciblé, qui dépasserait la simple rhétorique. Pour Kalumba, « le soutien aux filières agroalimentaires ne peut plus être conçu comme un bonus, mais comme une stratégie de souveraineté ». Il a même rappelé une parole marquante de feu Cardinal Monsengwo : « Ce qui compte ce n’est pas ce que le pays nous donne, mais ce que nous, nous donnons au pays. » Une manière d’appeler chacun à la responsabilité économique collective.
Le forum a aussi mis en lumière un décalage inquiétant entre le potentiel agricole de la RDC et son incapacité chronique à le transformer localement. Alors que plus de 80 % des produits alimentaires de consommation courante dans les villes sont importés, plusieurs intervenants ont présenté des modèles inspirants de coopératives ou d’unités de production à échelle intermédiaire, capables de répondre à la demande locale tout en créant des emplois pérennes.
L’analogie avec la Chine, souvent évoquée dans les discours, a trouvé ici un écho particulier. « Ce pays est devenu une puissance en investissant d’abord dans son industrie et sa technologie. Nous avons aussi ce choix devant nous », a plaidé Kalumba. Et le sous-entendu est clair : sans stratégie industrielle rurale, la RDC restera tributaire.
La Chambre de commerce Afrique-RDC souhaite faire de ce forum un rendez-vous permanent, une plateforme d’échange et de co-construction d’un secteur agro-industriel plus cohérent. Un projet pilote de structuration de filières est en gestation, notamment dans les provinces de l’Équateur, du Kasaï et du Haut-Uélé, avec l’appui de partenaires financiers et d’experts sectoriels.
Dans un pays où plus de 60 % de la population vit en zone rurale, mais où le secteur primaire ne contribue qu’à une portion limitée du PIB formel, la réorganisation de l’agro-industrie n’est pas une simple ambition : c’est une urgence.
— M. KOSI






