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Effondrement de la production bovine à Murambi : un choc pour l’économie rurale et les prix alimentaires

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Les pertes s’accumulent dans le secteur de l’élevage à Murambi, localité située entre Rubaya et Ngungu, au cœur du territoire de Masisi, dans le Nord-Kivu. Depuis le regain d’instabilité dans cette région à proximité des sites miniers, les groupes armés multiplient les incursions, ciblant systématiquement les exploitations bovines. Les conséquences économiques sont immédiates : en l’espace de quelques semaines, plusieurs dizaines de troupeaux ont été emportés, certains comptant jusqu’à 50 têtes de bétail. Ces pertes, évaluées localement à plusieurs centaines de milliers de dollars, ne sont pas couvertes par une quelconque assurance ou dispositif de compensation publique.

À Murambi, la production laitière a chuté de près de 70 % depuis le début des hostilités. Cette baisse drastique a entraîné une explosion des prix. Sur le marché de Goma, le litre de lait, qui se vendait à 1 200 francs congolais en janvier, dépasse désormais les 2 800 francs, soit une hausse de plus de 130 % en six mois. Le fromage local, rare, atteint des niveaux inédits, accentuant les tensions sur le pouvoir d’achat dans une province déjà confrontée à l’insécurité alimentaire.

Pour les éleveurs, l’accès aux produits vétérinaires devient un luxe. Les circuits d’approvisionnement sont coupés, les routes étant souvent contrôlées par des milices ou rendues impraticables. Le cheptel restant est ainsi exposé à des risques sanitaires accrus, aggravant l’érosion des revenus. Faute de politique publique adaptée ou de programme de relance ciblé, les familles se tournent vers une entraide de survie. Une vache donnée ici, un veau prêté là, sans garantie de retour ni pérennité économique.

Cette forme de résilience communautaire, bien que saluée localement, ne permet ni la reconstitution des pertes ni la relance du secteur. Elle révèle au contraire un vide institutionnel, où l’absence d’interventions budgétaires ciblées sur les filières rurales condamne les activités productives à une précarité chronique.

Dans ce contexte, l’impact sur la balance commerciale agricole du Nord-Kivu est réel. Le recul de la production locale entraîne une hausse des importations de produits laitiers depuis le Rwanda et l’Ouganda, accentuant la pression sur les réserves en devises, dans un pays où la stabilité du franc congolais reste étroitement liée à l’équilibre de la balance des paiements. Or, la Banque centrale du Congo, déjà confrontée à des pressions inflationnistes en zone Est, pourrait difficilement maintenir ses interventions de change sur un marché aussi segmenté, sans coordination avec une politique sectorielle de sécurité économique.

Ce déséquilibre entre insécurité physique et vulnérabilité monétaire complique les prévisions macroéconomiques dans les zones rurales. À moyen terme, la disparition des unités d’élevage à Murambi pourrait entraîner une contraction de 2 à 3 % de la production agropastorale dans la province, affectant le PIB régional déjà affaibli par l’irrégularité des campagnes agricoles et l’instabilité des prix à la consommation.

Faute d’un plan de sécurisation spécifique aux bassins de production bovine, la dégradation du tissu économique local risque de s’inscrire dans la durée. Murambi n’est pas un cas isolé. Plusieurs localités du Nord-Kivu présentent les mêmes symptômes : érosion des capacités de production, effondrement des revenus et absence de leviers d’intervention monétaire ou budgétaire capables de restaurer la confiance et l’investissement dans les zones rurales.

— Peter MOYI

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