Le Nigéria a récemment pris une mesure audacieuse pour renforcer ses finances publiques en imposant une taxe exceptionnelle de 50% sur les profits bancaires résultant de la dévaluation du naira. Le Sénat nigérian a approuvé cette mesure le 18 juillet 2024, après avoir reçu une proposition du gouvernement la veille. Cette initiative s’inscrit dans une série d’amendements à la loi de finances visant à pallier les tensions budgétaires.
Le président Bola Tinubu a justifié cette nouvelle imposition dans une lettre aux législateurs, expliquant que les fonds collectés seront dédiés au financement des projets de développement, notamment dans les domaines des infrastructures, de l’éducation, des soins de santé et des initiatives de protection sociale. « Les amendements proposés prévoient une taxe exceptionnelle unique sur les gains de change réalisés par les banques dans leurs états financiers de 2023 pour financer le développement des infrastructures d’investissement, l’éducation et les soins de santé ainsi que les initiatives de protection sociale », a-t-il écrit.
Des bénéfices exceptionnels pour les banques en 2023
Depuis sa prise de fonction en mai 2023, l’administration Tinubu a mis en œuvre des réformes pour unifier les marchés de change, visant à réduire l’écart entre les taux du marché officiel et ceux du marché parallèle. Cette initiative a conduit à une dévaluation significative du naira, dont la valeur a chuté d’environ 70% par rapport au dollar. Si plusieurs entreprises, telles que MTN, Nestlé, et Dangote Sugar, ont subi des pertes importantes, les banques nigérianes ont enregistré des bénéfices substantiels.
Les banques, détenant des actifs en dollars, ont profité de la dévaluation pour augmenter leurs revenus en convertissant ces actifs en naira. La hausse des taux d’intérêt, résultant du resserrement de la politique monétaire, a également contribué à renforcer la rentabilité des prêteurs nigérians. Selon Moody’s, les cinq principales banques du pays ont vu leur marge bénéficiaire augmenter de 95% en 2023. Par exemple, le bénéfice net de Guaranty Trust Bank, le plus grand prêteur du pays, a triplé, passant de 104,8 millions de dollars à 334,4 millions de dollars grâce aux gains de change. De même, Access Holdings Plc, première banque en termes d’actifs, a quadruplé son bénéfice net annuel, atteignant 379,5 millions de dollars.
Cette taxe exceptionnelle intervient quatre mois après que la Banque centrale du Nigéria (CBN) ait ordonné aux banques de ne pas utiliser leurs gains de réévaluation des changes pour payer des dividendes ou financer des dépenses d’exploitation. Le Nigéria rejoint ainsi une tendance mondiale, où plusieurs pays européens, comme l’Italie, la Hongrie, la Slovaquie et les Pays-Bas, ont mis en place des taxes spéciales sur les profits bancaires en réponse à l’inflation rapide et à la hausse des taux d’intérêt.
M.KOSI