Marchés émergents : +1 point de PIB et −0,6 pt d’inflation lors des chocs de risque grâce à des politiques renforcées

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Les marchés émergents ont mieux résisté aux accès d’aversion au risque mondiaux. Sorties de capitaux moindres, coût d’emprunt plus contenu, inflation moins vive : la combinaison d’une politique monétaire plus crédible, de banques centrales plus indépendantes et d’un budget mieux maîtrisé a relevé le niveau de protection face aux chocs.

Là où les ventes massives d’actifs provoquaient autrefois chute des devises et flambée des prix, l’ajustement est désormais plus ordonné. Les autorités tolèrent davantage la flexibilité du taux de change, ce qui absorbe une partie des chocs et permet aux banques centrales de cibler la stabilité des prix et de l’activité. Résultat : lors d’épisodes comparables à ceux d’avant la crise financière mondiale, la production observée est plus élevée d’environ 1 point, dont un peu plus de 0,5 point imputable à l’amélioration des politiques économiques, et l’inflation est inférieure d’environ 0,6 point de pourcentage.

Ce que montrent les signaux récents

La mise en œuvre de la politique monétaire s’est précisée. Avec des anticipations d’inflation mieux ancrées et des outils macroprudentiels plus stricts, les interventions directes et coûteuses sur le marché des changes sont moins systématiques. L’indépendance renforcée des banques centrales limite l’emprise des besoins budgétaires et l’alignement automatique sur la politique monétaire américaine. Cette autonomie accrue réduit les transmissions excessives des chocs globaux vers les coûts de financement domestiques.

Sur le volet budgétaire, l’encadrement s’améliore. Des règles plus lisibles et un suivi plus serré ont donné aux gouvernements la capacité de soutenir la demande en phase de ralentissement, sans éroder immédiatement la confiance des investisseurs. La qualité de l’information budgétaire et la transparence de la dépense soutiennent les marchés domestiques, ce qui atténue la volatilité des primes de risque.

Le financement en monnaie locale progresse. Dans un nombre croissant de pays, la part de dette émise en devise domestique et souscrite par des investisseurs résidentiels a augmenté, tandis que la détention étrangère des obligations locales recule à des seuils bas. Cette structure réduit l’exposition au risque de change et au risque de retrait soudain des capitaux. Les banques et, dans certains cas, les institutions financières non bancaires jouent un rôle d’amortisseur : face à un choc d’aversion au risque, l’écart de rendement des titres en monnaie locale s’accroît d’environ 19 points de base ; lorsque la part de détention par les banques domestiques augmente d’un écart-type, cet effet se limite à près de 11 points de base. Le lissage des taux se traduit par des conditions financières moins heurtées pour l’économie réelle.

La résilience n’est pas uniformément répartie. Les petits marchés et les économies dites « frontières » s’appuient encore sur des instruments plus coûteux et instables : dette intérieure de court terme, émissions en dollars sur les marchés internationaux. L’approfondissement des marchés obligataires locaux—cadre juridique prévisible, animation des marchés secondaires, base d’investisseurs plus diversifiée—reste une priorité pour réduire le coût du capital et stabiliser le profil des échéances.

Les risques n’ont pas disparu. Les chocs extérieurs peuvent se durcir rapidement et entamer la marge de manœuvre budgétaire. L’inflation liée à l’après-pandémie a relevé les anticipations dans plusieurs pays, compliquant la désinflation. Des tensions politiques internes peuvent aussi fragiliser la crédibilité difficilement acquise des institutions monétaires. Enfin, une forte détention bancaire de titres publics peut déplacer le crédit hors du secteur productif et, en cas de défaut souverain, transmettre des pertes au système financier. L’équilibre consiste à élargir la base d’investisseurs, allonger les maturités, et limiter les concentrations de risque sur les bilans bancaires.

La dette publique reste un point sensible. L’existence formelle de règles n’a pas empêché l’augmentation des encours dans de nombreux pays, reflet d’un respect inégal des cadres et de chocs répétés. Les vulnérabilités diffèrent : profil de devises, maturités courtes, poids des taux variables, part de créanciers officiels ou commerciaux. La hiérarchisation des dépenses, l’élargissement de l’assiette fiscale et la réduction des exonérations peu efficaces constituent des leviers pour stabiliser la trajectoire, tout comme une gestion active du passif (rachats, échanges, clauses d’indexation maîtrisées).

Pour consolider les progrès, plusieurs axes se dégagent. Côté monétaire : préserver l’autonomie de décision, améliorer la communication, renforcer les outils de liquidité, poursuivre le développement des marchés repo et du collatéral local. Côté budgétaire : inscrire les règles dans des cadres crédibles, publier un calendrier de financement détaillé, allonger les maturités en monnaie locale, renforcer la profondeur des enchères primaires et la transparence des bénéficiaires finaux. Côté marchés : attirer davantage d’épargne longue, notamment via les fonds de pension et les assureurs, animer les teneurs de marché, et favoriser l’accès des émetteurs privés pour diversifier l’offre de titres.

Le diagnostic global reste encourageant : les marchés émergents abordent les épisodes de stress avec des outils plus adaptés et une architecture plus robuste. La fluidité du taux de change amortit mieux les chocs, l’inflation répond plus vite aux hausses de taux, les besoins de devises pour la défense de la monnaie reculent, et la composition du financement penche davantage vers la monnaie locale. Pour pérenniser ces acquis, la discipline budgétaire, la qualité des institutions et l’approfondissement des marchés domestiques demeurent le trio déterminant. Avec ces fondations, la résilience acquise peut se transformer en stabilité durable, condition d’un investissement plus soutenu, d’une inflation maîtrisée et d’une croissance moins erratique.

— M. KOSI

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