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RDC : des milliards pour l’État, la pauvreté pour les citoyens

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La République démocratique du Congo a enregistré une croissance de 6,1 % en 2023, plaçant son économie parmi les plus performantes d’Afrique subsaharienne. Cette dynamique, soutenue par une reprise robuste des exportations minières et une politique monétaire rigoureuse, s’est accompagnée d’un ralentissement de l’inflation, qui s’est établie à 3,3 % au début de l’année 2024. Dans un contexte où la moyenne régionale dépasse souvent les 6 %, cette performance reflète un pilotage monétaire centré sur la stabilité des prix et la crédibilité de la Banque centrale.

Depuis sa prise de fonctions, la gouverneure Malangu Kabedi a renforcé les mécanismes de contrôle de la masse monétaire en maintenant un taux directeur élevé — 25 % depuis plusieurs trimestres. Ce resserrement a eu pour effet de limiter les tensions inflationnistes tout en offrant un signal fort aux investisseurs. Le franc congolais a bénéficié de cette discipline, s’échangeant dans une fourchette relativement stable malgré les pressions habituelles liées à l’économie dollarisée. L’augmentation progressive des réserves de change et la meilleure gestion des liquidités ont consolidé la position extérieure du pays, réduisant sa vulnérabilité aux chocs exogènes.

Les investissements directs étrangers, estimés à près de 1,6 milliard de dollars en 2023, confirment l’attractivité du secteur extractif, en particulier le cobalt et le cuivre, dont la RDC reste l’un des plus grands producteurs mondiaux. À 2,6 % du PIB, ces flux dépassent légèrement la moyenne des pays en développement et illustrent l’ancrage du pays dans les chaînes d’approvisionnement mondiales pour les technologies bas carbone. Toutefois, l’orientation quasi exclusive de ces capitaux vers l’exploitation primaire perpétue une économie extravertie, peu intégrée au tissu productif local.

Le modèle de croissance actuel produit peu d’emplois et accentue les inégalités sociales. Selon la Banque mondiale, environ 64 % de la population vit toujours sous le seuil de pauvreté. L’indice de capital humain, mesuré à 0,37 sur une échelle de 0 à 1, positionne la RDC au 164e rang sur 174 pays. Cette faiblesse chronique en matière de santé, d’éducation et de compétences professionnelles constitue un frein structurel au développement. Elle traduit un écart croissant entre les performances macroéconomiques et le bien-être réel des ménages.

Malgré la hausse des recettes publiques, en partie liée à la remontée des cours des métaux, l’investissement dans les infrastructures sociales reste limité. Les dépenses d’éducation et de santé ne suivent pas la progression des revenus miniers. Ce déséquilibre alimente une frustration sociale dans plusieurs provinces, où les services de base restent précaires et les débouchés économiques rares.

L’économie congolaise demeure dépendante des exportations de matières premières brutes. L’absence de politiques industrielles claires empêche la création de chaînes de valeur locales. L’agriculture, qui pourrait absorber une main-d’œuvre abondante, reste sous-capitalisée. Les infrastructures logistiques, notamment les routes rurales et l’accès à l’électricité, freinent la compétitivité des produits locaux. Quant au crédit bancaire, il reste inaccessible à la majorité des entrepreneurs, en raison d’un coût du financement prohibitif induit par une politique monétaire contraignante.

L’équilibre actuel repose sur un triptyque fragile : recettes minières, orthodoxie monétaire, confiance des partenaires extérieurs. Tant que la croissance ne s’accompagne pas d’une diversification de l’économie et d’un redéploiement ciblé de l’investissement public, les indicateurs resteront déconnectés des réalités sociales. Le gouvernement devra arbitrer entre rigueur et relance, entre stabilité macroéconomique et réformes structurelles de long terme.

Peter MOYI

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