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Ressources transfrontalières : comment l’Ouganda et le Rwanda devancent la RDC dans l’exploitation de milliards de barils pétrole

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Dans le silence des eaux partagées des lacs Albert et Kivu, une compétition économique discrète mais déterminante se joue entre les nations riveraines. Tandis que l’Ouganda et le Rwanda s’activent à tirer profit des hydrocarbures enfouis sous ces étendues, la République démocratique du Congo (RDC) semble encore hésiter à entrer pleinement dans cette logique, au risque de se laisser distancer.

L’exploitation pétrolière dans ces zones transfrontalières n’est pas seulement une question de souveraineté économique, mais aussi de positionnement stratégique. Depuis 2022, l’Ouganda a déjà avancé en lançant sa production pétrolière dans le lac Albert, une ressource qu’il partage avec la RDC. De son côté, le Rwanda s’apprête à capitaliser sur les blocs découverts dans le lac Kivu, marquant ainsi son engagement à intégrer les hydrocarbures dans son développement économique. Face à ces avancées, le contraste avec la RDC, encore en phase d’attente malgré des découvertes remontant à 2006, soulève de nombreuses interrogations.

Moïse Alyegera, spécialiste juridique au ministère de l’Environnement et du Développement durable, ne cache pas son inquiétude. Il déplore cette situation qu’il considère comme un frein au potentiel économique du pays. « Le gouvernement doit cesser de tergiverser. Chaque jour de retard affaiblit notre position et limite nos chances de tirer profit de ces ressources communes. »

Au-delà des considérations économiques, l’expert appelle également à une adhésion rapide de la RDC à la Convention sur la protection et l’utilisation des cours d’eau transfrontaliers et des lacs internationaux. Cet engagement permettrait non seulement de protéger les droits du pays dans l’exploitation de ces ressources, mais aussi de régler d’éventuels différends devant les juridictions internationales, renforçant ainsi sa position face à ses voisins.

Pourtant, il serait simpliste de réduire ce retard à une absence de volonté politique. La RDC doit également composer avec des défis structurels de grande ampleur. Une gouvernance inadaptée, des infrastructures limitées et des préoccupations environnementales persistantes rendent complexe la mise en œuvre de projets ambitieux dans le secteur pétrolier. Ces obstacles, bien que réels, ne sauraient justifier une inaction prolongée, alors même que le pays pourrait s’appuyer sur ses ressources naturelles pour impulser un développement durable.

pétrole de lacs Albert et Kivu

Ce potentiel inexploité contraste avec les opportunités qu’il représente. Avec des réserves estimées à plusieurs milliards de barils, les bassins du lac Albert et du lac Kivu constituent une véritable richesse pour la RDC. Toutefois, l’absence de stratégie claire et proactive dans leur gestion risque d’entraîner des pertes irrémédiables.

Pour éviter cet écueil, une approche concertée s’impose. Le gouvernement congolais est invité à prioriser la mise en place d’un cadre réglementaire attrayant pour les investisseurs, tout en veillant à respecter les normes environnementales. L’intégration de partenariats solides avec des acteurs privés et publics pourrait également accélérer les progrès, tout en assurant une répartition équitable des bénéfices pour les populations locales.

Les eaux des lacs Albert et Kivu ne sont pas qu’un simple miroir de la richesse sous-marine. Elles reflètent aussi les choix stratégiques que la RDC devra faire pour déterminer son avenir. Exploiter ces ressources, ce n’est pas seulement une question de développement économique, mais aussi un enjeu de justice envers des générations futures qui pourraient bénéficier d’une meilleure gestion des ressources naturelles.

— Peter MOYI

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