La transformation numérique en République démocratique du Congo prend une nouvelle impulsion. Le Salon de l’Économie Numérique et de la Finance Digitale (SEF2025), qui se déroule à l’hôtel Pullman de Kinshasa, place la régulation au cœur du changement. Lors de l’ouverture officielle, le président de l’ARPTC, Christian Katende, a posé un cadre clair : l’innovation ne doit pas être entravée, mais protégée et rendue équitable.
L’événement, qui s’étend jusqu’au 9 mai, réunit un large spectre d’acteurs. Des institutions financières aux opérateurs télécoms, en passant par les startups et les agrégateurs technologiques, tous explorent les leviers capables de moderniser les échanges économiques dans un pays où la pénétration numérique reste encore contrastée. La salle, animée par des discussions techniques et des projections ambitieuses, reflète les tensions entre aspirations locales et réalités du terrain.
Christian Katende insiste : la régulation ne peut être une barrière. Elle doit évoluer, s’adapter et anticiper. L’ARPTC semble vouloir sortir de son rôle traditionnel de contrôle pour adopter une posture d’accompagnement des innovations. Dans un contexte où les réseaux mobiles représentent plus de 85 % des accès à Internet en RDC (source : GSMA 2024), une régulation agile est vitale pour éviter les monopoles de fait, les abus tarifaires et garantir la cybersécurité.

La 9e édition du SEF s’attaque aux sujets clés : Fintech, intelligence artificielle, commerce électronique et disruption numérique. Ces piliers renvoient à des besoins concrets, comme l’inclusion financière. À ce jour, selon les données de la Banque Centrale du Congo, moins de 17 % des Congolais ont accès à un compte bancaire, mais près de 38 % utilisent des services financiers via mobile money. Ce déséquilibre fait de la finance digitale un vecteur stratégique pour l’élargissement de la base financière nationale.
L’intérêt croissant pour les technologies d’automatisation, les solutions de paiement intelligentes ou encore les services bancaires en ligne montre à quel point le secteur bancaire local cherche à se redéfinir. Plusieurs panels ont été consacrés aux rapports entre Fintech et banques classiques, souvent vus comme rivaux. Mais un consensus émerge : c’est dans l’alliance que réside la pérennité.
Le Salon n’ignore pas non plus les défis : qualité de la connectivité, protection des données, éducation numérique. Les représentants de startups ont rappelé que l’innovation naît souvent dans l’informel, là où la régulation n’intervient que tardivement. Une régulation trop rigide pourrait donc étouffer les solutions qui émergent sur le terrain, souvent dans des environnements hybrides où l’offre numérique devance le cadre légal.
L’intelligence artificielle, grande invitée de cette édition, suscite autant d’enthousiasme que de prudence. Si elle promet des gains d’efficacité dans la finance, elle soulève aussi des questions de responsabilité algorithmique. L’ARPTC envisage de mettre en place un groupe de travail sur le sujet, sans calendrier précis, mais avec un objectif assumé : construire une régulation anticipative, capable de suivre l’évolution rapide de ces outils.
Le SEF2025 n’est pas un simple événement. Il illustre une tension permanente : celle d’un pays jeune, dynamique, où la technologie progresse souvent plus vite que l’État. Les décisions prises ou esquissées durant ce forum pourraient redessiner la façon dont les Congolais paient, épargnent, investissent ou accèdent aux services de base.
— Peter MOYI