Washington négocie l’ouverture d’une filière formelle pour le traitement des « 3T » (étain, tantale, tungstène) congolais via le Rwanda. En 2022, les exportations minières de la RDC ont dépassé 28 milliards USD, en hausse de 29,3 % par rapport à l’année précédente, portées par la vente de produits miniers et d’hydrocarbures. En 2023, ce secteur a généré un excédent commercial de 14,2 milliards USD, soulignant l’importance de ces ressources pour l’économie nationale.
Kinshasa dénonce depuis des années le passage clandestin de minerais vers le Rwanda, estimant à plusieurs dizaines de millions de dollars par mois les pertes liées à ce trafic. L’accélération du conflit dans l’Est, porté par les rebelles du M23 soutenus par Kigali, nourrit ce commerce illicite et prive l’État congolais de recettes indispensables.

Sous la houlette de Massad Boulos, conseiller spécial pour l’Afrique à la Maison-Blanche, les États-Unis ambitionnent de signer d’ici l’été un accord de paix assorti de partenariats industriels. « Le projet américain est clair : offrir à Kigali un bénéfice légal conséquent, afin de dissuader toute incursion illégale en RDC », explique un diplomate impliqué dans les discussions.
L’idée consiste à autoriser l’exportation légale des minerais issus des concessions artisanales de l’Est congolais vers des usines de raffinage au Rwanda. Un responsable onusien affirme : « La transformation locale permettrait d’augmenter les revenus, de garantir la traçabilité et de priver les groupes armés de leur source de financement ».
Pour la RDC, développer la valeur ajoutée locale reste une priorité. À Kinshasa, on rappelle que l’économie nationale a crû de +7,5 % en 2023, porté en partie par le dynamisme du secteur minier. Renforcer les capacités industrielles pourrait stabiliser les recettes de l’État et atténuer les effets de la volatilité mondiale.
Toutefois, un haut fonctionnaire congolais, sous couvert d’anonymat, affirme qu’aucune discussion sur les minerais ne saurait aboutir sans le retrait préalable des troupes rwandaises et de leurs « proxies », en référence au M23. « Il est impératif que la souveraineté congolaise soit respectée, y compris sur nos sous-sols », insiste-t-il.
Côté rwandais, un tel partenariat pourrait injecter dans l’économie jusqu’à plusieurs centaines de millions de dollars. En 2024, la RDC a exporté plus de 43 000 tonnes d’étain pour une valeur de 513 millions USD, dont 63 % via des sites industriels (27 100 t pour 350 M USD) et 37 % par l’artisanal (15 852 t pour 162,8 M USD).
Les États-Unis ne comptent pas s’arrêter là : le U.S. International Development Finance Corporation s’engage à soutenir ces transactions et à mobiliser des capitaux privés pour sécuriser les investissements dans la région.
Pourtant, la mémoire des échecs passés demeure vive. En 2021, Kinshasa et Kigali avaient signé un protocole pour exploiter et commercialiser l’or congolais, puis suspendu le projet en 2022 après l’offensive de M23 sur Bunagana. William Millman, consultant spécialisé en métaux stratégiques, rappelle que « ni Kigali ni Kinshasa ne se font confiance », rendant indispensable la présence d’un « arbitre de poids » pour garantir la bonne tenue des accords.
Un diplomate note enfin : « Ces projets prendront plusieurs années avant d’impacter le terrain ». Au-delà des usines et des financements, c’est aux racines du conflit – gouvernance, sécurité et développement local – qu’il faudra s’atteler pour transformer durablement le bassin des minerais congolais.
— M. KOSI






