Un virement bancaire de 19,9 millions USD, prélevé sur les indemnités destinées aux victimes des conflits armés à Kisangani, met en lumière un réseau opaque impliquant Constant Mutamba, ministre de la Justice de RDC. La transaction, effectuée le 16 avril 2025 au profit de Zaon Construction SARL, contournait les procédures légales et les directives explicites du Premier ministre.
Le contrat de construction d’un centre pénitentiaire à Kisangani, signé le 14 avril 2025 avec cette entreprise locale, s’élève à 29 millions USD. Un montant jugé « disproportionné » par un expert en marchés publics contacté par Lepoint.cd : « Pour un bâtiment de trois étages, les références du secteur tablent sur des coûts moyens de 8 à 12 millions USD en Afrique subsaharienne. » Pourtant, 80 % du budget (23,2 millions USD) devaient être versés avant même le début des travaux.
L’argent des réparations ougandaises détourné
Les fonds proviennent des 325 millions USD accordés par la Cour internationale de justice (CIJ) en 2022 à la RDC, à la suite des exactions commises par l’Ouganda entre 1998 et 2003. Le Fonds spécial pour les victimes, créé sous supervision internationale, exigeait une allocation transparente aux survivants. « Utiliser ces indemnités pour un projet immobilier sans consultation équivaut à piétiner les droits des victimes », dénonce un rapport de l’ONG Transparency International Congo daté de mai 2025.
La procédure d’urgence invoquée par Constant Mutamba pour justifier le gré à gré avec Zaon Construction masque une chronologie accablante :
- 8 avril 2025 : La Première ministre Judith Suminwa ordonne par écrit la suspension du projet.
- 14 avril : Le contrat est signé.
- 16 avril : Le virement initial est exécuté, sans l’aval de la Direction générale de contrôle des marchés publics.
Une entreprise sous surveillance
Zaon Construction SARL, enregistrée en 2023, ne figure dans aucun appel d’offres public antérieur. Son capital social déclaré — 50 000 USD — contraste avec l’enveloppe perçue. Interrogée par nos soins, la banque concernée confirme « l’absence de garanties financières » présentées par l’entreprise avant le transfert.
Le parquet général réclame la levée de l’immunité parlementaire du ministre, susceptible d’être inculpé pour détournement de fonds publics et violation des lois sur les marchés. Selon la Constitution congolaise (article 109), l’Assemblée nationale dispose de 30 jours pour statuer.
Cette affire survient dans un contexte tendu : 62 % des Congolais estiment que la corruption s’est aggravée depuis 2023 (Baromètre Afro, avril 2025). Les associations de victimes de Kisangani menacent de poursuites civiles. « Chaque dollar volé retarde la reconstruction de nos vies », témoigne un rescapé du conflit, joint par téléphone.
— M. KOSI






