240 000 creuseuses face au dilemme congolais : produire 15% de l’or artisanal malgré 4 000 déplacées au Sud-Kivu

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En 1982, un décret colonial interdisait aux femmes l’accès aux mines du Katanga, jugées « trop hostiles ». Quatre décennies plus tard, elles représentent 12 % des travailleurs du secteur minier artisanal, selon un rapport de la Banque mondiale publié en mars 2024. Ce paradoxe historique plane sur la journée organisée hier par la Cellule Technique de Coordination et de Planification Minière, où le vice-ministre Godard Motemona a appelé les femmes du ministère à « défendre chaque mètre carré du territoire » face à l’agression rwandaise. Un discours qui résonne comme un appel à l’action dans un pays où le sous-sol alimente 70 % des exportations nationales.

La métaphore du fleuve Congo s’impose ici : comme ses eaux tantôt calmes, tantôt tumultueuses, le secteur minier congolais charrie espoirs et conflits. L’événement, placé sous le thème « La femme au cœur de toutes les ambitions », a mis en lumière un chiffre méconnu : sur les 2 millions de creuseurs artisanaux, près de 240 000 sont des femmes, souvent cantonnées aux tâches de triage. « Nous portons le minerai, mais jamais les décisions », lance une négociante de Lubumbashi sous couvert d’anonymat. Son témoignage rappelle que 80 % des femmes actives dans les mines de cuivre et de cobalt gagnent moins de 2 $ par jour, d’après les données de la Fédération des entreprises du Congo.

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Le vice-ministre Motemona a lié la défense territoriale à l’émancipation économique. « Sans terres, pas de mines. Sans mines, pas d’avenir », a-t-il martelé, évoquant une recrudescence des enrôlements dans l’armée nationale. Cette rhétorique s’ancre dans un contexte où les recettes minières ont chuté de 18 % en 2023, selon la Banque centrale, tandis que les dépenses militaires atteignaient 1,4 milliard $, l’équivalent de trois fois le budget annuel de l’agriculture.

La journée a surtout révélé une tension invisible : promouvoir l’égalité tout en mobilisant pour la guerre. Les ateliers ont souligné le rôle des coopératives féminines dans l’orpaillage, responsables de 15 % de la production aurifère artisanale. Mais comment concilier cet essor avec les 4 000 femmes déplacées cette année rien qu’au Sud-Kivu, fuyant les combats près des sites miniers ? L’initiative du ministère dessine une voie étroite, où la défense nationale se nourrit de justice sociale.

– Par M.KOSI

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