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Bassin du Congo : un secteur forestier qui ne représente que 0,2 % du PIB face à 75 % d’exportations extractives

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La forêt du bassin du Congo, joyau environnemental et ressource économique majeure, reste sous-évaluée dans les stratégies de développement des pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC). Alors que la région continue de dépendre lourdement des exportations pétrolières et minières, le secteur forestier, pourtant riche en opportunités, peine à s’imposer comme un pilier économique.

D’après un rapport de la Banque mondiale, les perspectives de croissance économique pour 2024 indiquent une légère amélioration, avec un taux projeté de 3,4 %, contre 1,8 % en 2023. Ce progrès, bien que visible, masque une réalité plus préoccupante : près de 33 % des habitants, soit environ 20 millions de personnes, vivent toujours dans une pauvreté extrême. Cette situation soulève une question essentielle : comment la richesse forestière, si abondante, peut-elle être mobilisée pour répondre aux défis sociaux et économiques de la région ?

Le modèle actuel repose encore principalement sur les secteurs extractifs. Pétrole, gaz et minerais constituent 75 % des exportations totales des pays membres de la CEMAC, laissant peu de place à la diversification. Cette dépendance aux matières premières expose les économies locales à une instabilité chronique, exacerbée par les fluctuations des prix sur les marchés internationaux. Pourtant, le secteur forestier offre une alternative prometteuse, mais sous-exploitée, pour réduire cette vulnérabilité.

Dans le commerce du bois, la valeur ajoutée reste presque inexistante. Près de la moitié des exportations se limitent à des grumes non transformées, ce qui prive la région d’emplois et de revenus substantiels. Malgré l’énorme potentiel économique et écologique de cette ressource, les recettes fiscales générées par le secteur forestier ne représentent que 1 % des budgets nationaux et 0,2 % du PIB, selon les estimations. Ces chiffres révèlent une absence de stratégie claire pour transformer ce secteur en levier de développement durable.

La question environnementale vient s’ajouter aux préoccupations économiques. Si le taux de déforestation dans la région reste modéré comparé à d’autres zones tropicales, la situation est loin d’être rassurante. Des pratiques d’exploitation non durables et souvent illégales contribuent à la dégradation des écosystèmes, notamment en République démocratique du Congo et au Cameroun. Par ailleurs, les financements internationaux destinés à soutenir la conservation des forêts y sont nettement inférieurs à ceux accordés à d’autres régions du globe, limitant ainsi les efforts pour préserver cet héritage naturel.

Pour inverser la tendance, plusieurs pistes sont envisagées. L’une d’elles consiste à réformer les cadres fiscaux pour inciter à une gestion responsable des ressources forestières. L’idée serait d’introduire des taxes proportionnelles à l’impact environnemental des activités, tout en proposant des avantages fiscaux pour encourager des pratiques durables. De plus, le développement de l’agroforesterie et la certification des produits forestiers pourraient ouvrir de nouvelles perspectives économiques tout en protégeant les écosystèmes.

L’enjeu dépasse les simples considérations économiques. Le secteur forestier, s’il est correctement valorisé, pourrait devenir un moteur de croissance inclusif pour les populations locales, offrant des emplois décents et une meilleure résilience face aux crises. Ce défi exige une gouvernance renforcée, un engagement international accru et une réelle volonté politique pour intégrer cette richesse naturelle au cœur des stratégies de développement.

La forêt du bassin du Congo n’est pas qu’un patrimoine mondial. Elle représente une opportunité unique de concilier développement économique et préservation environnementale, à condition que les choix politiques et économiques s’orientent enfin vers une exploitation durable et équitable.

— Peter MOYI

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