Le Comité de politique monétaire a réduit le taux directeur de 25,0 % à 17,5 % à l’issue de sa réunion du 7 octobre 2025. L’inflation en glissement annuel retombe à 7,8 % fin septembre (contre 15,1 % un an plus tôt) et le franc congolais s’apprécie nettement : +11,6 % à l’interbancaire et +7,8 % au parallèle, avec des cours autour de 2 548,80 CDF/USD (officiel) et 2 659,28 CDF/USD (parallèle). Le taux des facilités de prêt marginal recule à 21,5 %. Les coefficients de réserves obligatoires restent inchangés : 12,0 % pour les dépôts à vue et 0,0 % à terme en monnaie nationale ; 13,0 % et 12,0 % respectivement pour les dépôts à vue et à terme en devises.
Transmission monétaire, liquidité et change : ce qui va bouger
Le mouvement d’assouplissement repose sur des signaux tangibles. Côté prix, la désinflation s’installe : à 7,8 % en septembre, l’indice efface plus de la moitié de la poussée de 2024. Côté change, la fermeté du CDF reflète une pression moindre sur le marché des devises. La Banque centrale a soutenu cette trajectoire par une cession de 50,0 millions USD le 18 août, en ciblant l’offre de devises au moment où la demande se normalisait. En parallèle, l’actualisation du taux de change appliqué au stock de réserves obligatoires en USD (cristallisées en CDF depuis décembre 2021) a retiré 371 milliards CDF lors du premier palier. Effet macro : une absorption directe de liquidité excédentaire, réduisant la création monétaire endogène et stabilisant les anticipations de change.
La seconde étape de cette actualisation démarre le 15 octobre. Objectif : retirer la liquidité résiduelle sans asphyxier l’intermédiation. L’arbitrage est fin : préserver le financement de l’activité tout en évitant les poches de surchauffe sur le marché de change. Dans ce cadre, la baisse du taux directeur à 17,5 % doit alléger progressivement le coût de refinancement des banques. La vitesse de transmission dépendra de la perception du risque, de la structure des bilans et de la profondeur du marché interbancaire. Les banques les plus liquides devraient ajuster plus vite leurs barèmes, surtout sur les maturités courtes.
La Banque centrale projette une inflation autour de 6,8 % sur les douze prochains mois, voisine de l’objectif de moyen terme (7,0 %). La condition clef reste l’ancrage des anticipations : si les agents intègrent la stabilité du CDF, la prime de change intégrée aux prix des biens importés se contracte, ce qui consolide la désinflation. D’où le message adressé aux opérateurs : régler davantage en monnaie nationale pour renforcer l’usage du CDF dans les transactions et lisser les effets de second tour liés au dollar.
Au plan opérationnel, l’instrument de réserve obligatoire conserve un rôle de pilotage fin. Les coefficients sont inchangés pour éviter un choc de structure sur les bilans bancaires, tandis que l’ajustement du taux de change de référence pour la réserve en devises agit comme une soupape : plus le différentiel de change est actualisé, plus la base de calcul en CDF reflète la valeur réelle des avoirs, ce qui améliore la lisibilité des contraintes de liquidité. La combinaison « taux directeur + ajustements ciblés de liquidité » vise à abaisser le taux d’intérêt réel ex-ante sans relancer la demande de devises.
Le contexte mondial incite à la prudence. Selon l’OCDE, la croissance ralentirait à 3,2 % en 2025 puis 2,9 % en 2026, après 3,3 % en 2024, avec une inflation internationale en reflux vers 2,9 % en 2026. Pour la RDC, cela signifie des termes de l’échange plus volatils et des flux financiers susceptibles de se réallouer rapidement. D’où la nécessité de garder des marges de manœuvre : interventions de change ciblées, neutralisations temporaires de liquidité et communication régulière sur les agrégats monétaires.
Le signal politique appuie le cadrage monétaire. Lors de la 61e réunion du Conseil des ministres, le Président Félix Tshisekedi a salué l’amélioration du marché interbancaire, évoquant une appréciation d’environ 9,1 % du CDF depuis le 19 septembre 2025. Cette cohérence entre la conduite budgétaire et le pilotage monétaire renforce la crédibilité des annonces du CPM : le marché lit une stratégie où la visibilité des interventions et la discipline sur la dépense publique réduisent les primes de risque.
En pratique, la suite dépendra de trois canaux. Crédit : la détente monétaire doit se traduire par des conditions moins onéreuses, à mesure que les banques réévaluent le risque et le coût des ressources. Change : la stabilité récente doit être consolidée par un approvisionnement régulier du marché et une demande maîtrisée de devises. Prix : la baisse de l’inflation doit s’enraciner dans les secteurs exposés aux intrants importés, où la passation de change est la plus sensible.
Cap sur la prévisibilité. Des points réguliers sur les interventions, la liquidité et l’exécution budgétaire ancreront les anticipations. La recommandation de régler en CDF s’inscrit dans cette logique : moins de dépendance aux devises dans les transactions courantes, plus de stabilité du panier de prix, et, à terme, un coût du capital mieux aligné sur la trajectoire de désinflation.
— M. MASAMUNA






