Le cobalt extrait à la main dans le Lualaba attire de nouveau l’attention des plus hautes autorités. En déplacement à Kolwezi, le Président Félix Tshisekedi a lancé un avertissement clair sur la nécessité de restructurer un secteur longtemps laissé aux dérives. À l’issue du Conseil des ministres du 13 juin 2025, il a exigé un encadrement strict de l’exploitation artisanale du cobalt, dénonçant une situation devenue incontrôlable, mêlant pauvreté, illégalité et ingérence politique.
Au fil des années, des milliers de Congolais se sont tournés vers l’extraction artisanale pour survivre. Une activité vitale dans une province où les réserves en cobalt comptent parmi les plus importantes du monde. Mais faute de cadre clair et d’autorité bien établie, les conflits se sont multipliés. Les sites miniers s’imbriquent, les frontières entre concessions légales et zones artisanales sont floues, et certains opérateurs industriels intègrent, sans transparence, du cobalt artisanal à leurs cargaisons officielles. Résultat : le secteur échappe en partie au contrôle public et alimente une économie parallèle aux contours opaques.
Le Président Tshisekedi n’a pas mâché ses mots. Selon lui, les conditions précaires dans lesquelles opèrent les creuseurs les exposent aux récupérations politiques. "Certains politiciens exploitent leur vulnérabilité pour en faire des instruments de déstabilisation", a-t-il averti, d’après les propos relayés par le ministre Patrick Muyaya.
Face à ce constat, deux leviers sont mobilisés pour rétablir une forme d’ordre : l’Entreprise Générale du Cobalt (EGC), responsable exclusive de la commercialisation du cobalt issu de l’artisanat, et la RECOMS, organe chargé de la régulation du secteur. Le chef de l’État exige que ces deux entités fassent appliquer rigoureusement les textes légaux, jusqu’ici souvent ignorés ou contournés.
Le cadre légal existe, mais il est trop souvent bafoué. L’EGC, créée en 2019, peine toujours à s’imposer comme acteur incontournable du secteur artisanal. Les volumes déclarés restent faibles au regard du potentiel estimé, et le système de traçabilité ne convainc pas les marchés internationaux, toujours plus sensibles aux conditions d’extraction. Le défi est donc double : restaurer la légitimité de l’État dans la chaîne d’approvisionnement, et garantir que le cobalt artisanal ne soit plus assimilé à un minerai de conflits.
Sur le terrain, cela suppose des actions concrètes. Délimitation claire des zones d’exploitation, sécurisation des sites, formation des creuseurs, contrôles renforcés… autant d’initiatives attendues pour passer des discours aux actes. La transformation promise ne pourra s’opérer sans volonté politique constante, ni sans des moyens adaptés, tant humains que financiers.
Au-delà du cadre national, cette réforme porte aussi une dimension internationale. Le cobalt congolais représente plus de 70 % de la production mondiale. Son origine, ses conditions d’extraction et sa chaîne de commercialisation font l’objet d’une attention croissante des fabricants de batteries et de voitures électriques, soucieux de se conformer aux normes ESG. Pour rester dans le jeu, la RDC doit prouver qu’elle peut structurer son secteur artisanal, aujourd’hui pointé du doigt pour son opacité.
Avec ce signal envoyé depuis Kolwezi, Félix Tshisekedi tente de reprendre la main. Il veut faire du cobalt artisanal un levier de souveraineté et non une zone de non-droit. L’équation reste complexe, entre impératifs économiques, considérations sociales et exigences internationales. Mais le chantier est lancé. La prochaine étape dépendra moins des discours que de la capacité à imposer des règles, à tous les niveaux de la chaîne.
— M. MASAMUNA






