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Des millions évaporés : les promesses brisées de la redevance minière communautaire

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Près de sept ans après l’entrée en vigueur du nouveau Code minier en République démocratique du Congo, une réalité dérangeante refait surface : les communautés vivant aux abords des exploitations minières attendent toujours les infrastructures et services promis grâce à la redevance de 0,3 % du chiffre d’affaires. L’audit récemment publié par la Cour des comptes, relayé par l’Observatoire de la dépense publique (ODEP), révèle un gouffre de gestion, marqué par des irrégularités financières graves, des chiffres dissonants et une absence criante de contrôle.

Entre 2018 et 2023, 310 millions de dollars auraient dû atterrir dans les caisses destinées aux projets communautaires. À peine 213 millions ont été effectivement versés, selon les chiffres compilés par l’ODEP. Une différence de 97 millions USD qui interpelle. Mais le pire semble ailleurs : certaines entreprises minières ont usé de pratiques fiscales douteuses, voire frauduleuses, pour échapper partiellement à cette contribution. Le manque à gagner supplémentaire pour l’État est estimé à 50 millions USD.

Le rapport met également en lumière une anomalie sidérante : un écart de 16 milliards USD (!) entre les chiffres d’affaires déclarés au fisc et ceux déclarés aux structures locales chargées de gérer les fonds. Cette déconnexion alimente de lourds soupçons de sous-déclaration systémique.

Sur les 70 entreprises minières concernées par la dotation communautaire, seules 46 structures locales de gestion (appelées DOTs) ont été constituées. Et dans plus de la moitié des cas, leur fonctionnement laisse perplexe : procédures opaques, contrats attribués sans appel d’offres, projets sans traçabilité, et parfois des détournements purs et simples. À titre d’exemple, la DOT de la société Shituru Mining Corporation a été pointée du doigt pour des dépenses injustifiées de 47 500 USD.

Les règles fixées par la loi sont pourtant claires : 90 % des fonds doivent financer des projets communautaires (écoles, centres de santé, accès à l’eau potable, routes), 6 % sont réservés aux frais de fonctionnement des DOTs, et 4 % à la supervision. Dans les faits, cette répartition est rarement respectée. Des ressources destinées à améliorer le quotidien des habitants des zones minières sont redirigées ou tout simplement dilapidées.

“C’est un détournement de l’espoir des populations minières”, résume Florimond Muteba Tshitenge, président de l’ODEP, visiblement exaspéré. À ses yeux, le mécanisme censé rétablir un minimum de justice sociale autour des activités minières est devenu un miroir aux alouettes.

Pour tenter de corriger le tir, l’ODEP propose un ensemble de mesures concrètes : la mise en place d’un système numérique de traçabilité des fonds, des sanctions fermes contre les entreprises qui trichent, la formation des comités locaux de gestion, et une révision du cadre légal afin d’y inclure des garde-fous issus de la société civile.

L’organisation va plus loin en appelant à des audits citoyens indépendants. Une forme de surveillance par les bénéficiaires eux-mêmes, afin que les Congolais puissent enfin suivre l’argent du cuivre, du cobalt ou de l’or à travers les projets censés améliorer leur quotidien.

Ce rapport s’ajoute à une série d’alertes déjà lancées sur la gouvernance du secteur extractif en RDC, un pilier économique national qui génère plus de 95 % des recettes d’exportation mais dont les retombées locales restent désespérément limitées.

M. MASAMUNA

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