Lors de son séjour à Rabat dans le cadre de la Global Growth Conference, le Vice-Premier Ministre et Ministre de l’Économie Nationale de la RDC, Daniel Mukoko Samba, a ouvert un canal direct avec des investisseurs marocains. L’entretien, organisé le 20 mai à l’hôtel Sofitel, visait à dynamiser les partenariats économiques entre la République Démocratique du Congo et le Royaume du Maroc.
Objectif affiché : passer des intentions à des flux d’affaires concrets. Le ministre congolais a insisté sur la nécessité d’aligner les ambitions diplomatiques aux réalités économiques. Si la RDC et le Maroc entretiennent depuis longtemps des relations amicales, le volume des échanges commerciaux reste loin du potentiel identifié par les deux parties.
« Le partenariat entre nos deux pays doit refléter la richesse de notre proximité politique et culturelle. Le moment est venu de corriger ce déséquilibre entre qualité des relations et faiblesse des échanges », a déclaré Daniel Mukoko Samba devant une délégation composée de représentants de la CGEM (Confédération Générale des Entreprises du Maroc), de sociétés d’infrastructures, du secteur bancaire et de l’agrobusiness.
La RDC, forte de ses 100 millions d’habitants et de ses vastes ressources naturelles, continue d’attirer les regards. Le pays cherche aujourd’hui à élargir son cercle d’investisseurs au-delà des partenaires traditionnels comme la Chine, la France ou les États-Unis. Le Maroc, déjà implanté dans plusieurs économies africaines à travers des groupes tels que Attijariwafa Bank, Maroc Telecom ou encore OCP (engrais), figure désormais comme une cible stratégique.
Le ministre congolais a plaidé pour une accélération de la mise en place de la Grande Commission Mixte RDC-Maroc, un mécanisme de coopération bilatérale destiné à encadrer les futurs partenariats dans les secteurs clés : énergie, agriculture, télécommunications, industrie pharmaceutique, infrastructures routières et portuaires.
« Nous avons besoin d’outils clairs, juridiques et opérationnels, pour donner confiance aux investisseurs marocains et pour que ces investissements contribuent véritablement à la transformation de l’économie congolaise », a insisté Daniel Mukoko Samba.
À l’issue des discussions, les deux parties ont convenu de finaliser, avant la fin de l’année, un cadre formel pour faciliter les investissements, les échanges de technologies et le co-développement de projets structurants.
Le contexte international, marqué par les bouleversements des chaînes d’approvisionnement mondiales et la reconfiguration des blocs économiques, renforce la pertinence de telles coopérations africaines. L’Afrique du Nord dispose d’un tissu industriel plus avancé, tandis que l’Afrique centrale regorge de matières premières et de marchés à conquérir.
Ce dialogue maroco-congolais s’inscrit dans une logique de complémentarité. Là où Rabat peut offrir du capital, de l’expertise technique et des modèles d’organisation performants, Kinshasa peut proposer des projets à fort potentiel dans l’énergie solaire, l’agriculture durable, la logistique et le numérique.
En parallèle, les équipes du ministère congolais de l’Économie ont été chargées de préparer une série de fiches projets à présenter d’ici juillet à la CGEM, dans l’espoir d’attirer rapidement des investissements pilotes dans les provinces du Kongo Central, du Haut-Katanga et de la Tshopo.
La prochaine étape attendue est la convocation d’une mission économique marocaine en RDC, avec un agenda sectoriel bien défini et des rendez-vous B2B ciblés.
Si l’initiative est saluée, certains analystes rappellent que la RDC multiplie les annonces économiques sans toujours parvenir à concrétiser les promesses. L’absence de chiffres précis ou d’accords signés à l’issue de la rencontre de Rabat nourrit une prudence légitime.
Dans ce contexte, les investisseurs marocains attendent des garanties de stabilité fiscale, une réforme de la justice commerciale et un assouplissement des procédures douanières pour franchir le pas.
« Ce que nous voulons, c’est un climat clair, des interlocuteurs réactifs et un engagement réel de la partie congolaise à simplifier la vie des entreprises », a confié un cadre de la Fédération des Chambres de Commerce du Maroc, présent à la rencontre.
La balle est donc désormais dans le camp de Kinshasa, qui doit prouver que cette main tendue au Maroc débouchera sur des projets solides, viables et réciproquement bénéfiques.
— M. MASAMUNA