Christophe Bitasimwa Bahii n’est pas un nouveau visage dans l’univers feutré mais décisif des finances publiques congolaises. Nommé à la tête de l’Inspection générale des finances (IGF) le 7 mai 2025 par une ordonnance présidentielle, ce haut fonctionnaire expérimenté vient prendre le relais d’un poste hautement stratégique, au cœur de la transparence et de la moralisation de la gestion publique. Cette nomination, officialisée par la porte-parole du chef de l’État, Tina Salama, ne marque pas seulement la fin d’un cycle : elle ouvre aussi une nouvelle page, plus sobre, plus rigoureuse, dans l’histoire de l’IGF.
Originaire du Sud-Kivu, docteur en économie, détenteur d’un DEA en économie et développement de l’Université catholique du Congo, Christophe Bitasimwa incarne une rare alliance entre l’académie et la pratique administrative. Son profil tranche avec les visages médiatiques habituels. Moins porté sur la communication que son prédécesseur, mais tout aussi méthodique, il est respecté pour sa discrétion, sa rigueur et sa connaissance fine des circuits financiers de l’État. Pendant plus de 25 ans, il a multiplié les postes de responsabilité, aussi bien dans les entreprises publiques que dans les administrations centrales. Inspecteur des finances de formation, il a exercé au sein de l’Inspection générale des finances en tant que chef des brigades provinciales et territoriales, avant de devenir, dès 2013, secrétaire général aux Finances, fonction dans laquelle il a affiné sa maîtrise des rouages budgétaires.
L’ombre du mandat de Jules Alingete plane encore sur l’IGF. Cinq années durant, ce dernier en a fait une machine de guerre contre les détournements, les fraudes fiscales et les abus de pouvoir dans la gestion publique. Dénonciations tonitruantes, rapports choc, audits révélateurs : la RDC a assisté à la montée d’un « justicier des deniers publics », parfois salué comme un héros, parfois critiqué pour ses méthodes expéditives. La désactivation soudaine de cartes de crédit liées au Trésor public, la mise au jour d’écoles fictives, de doublons salariaux ou encore de détournements massifs dans le secteur minier ont valu à Alingete autant d’applaudissements que d’ennemis. Une enquête lancée en 2024 à propos d’un contrat signé avec la Gécamines a terni ses dernières années de fonction, ajoutant une note de controverse à un parcours jusque-là perçu comme inflexible.
À 62 ans, Alingete tire sa révérence et laisse à son successeur une feuille de route ambitieuse : renforcer les contrôles sur les acquisitions immobilières, vérifier les avantages des mandataires publics, s’assurer de la régularité des marchés publics, surveiller les dépenses liées aux missions à l’étranger et contrôler la conformité fiscale des prestataires publics. C’est donc sur ces fondations, entre exigence et vigilance, que devront se poser les premiers pas de Christophe Bitasimwa Bahii.
Sa nomination n’est pas anodine. Elle reflète la volonté du chef de l’État de maintenir la pression sur les pratiques douteuses, tout en changeant de ton. Avec Bitasimwa, l’IGF pourrait connaître une transition vers une gouvernance plus technique, moins conflictuelle, mais tout aussi ferme. Le nouveau chef de service est attendu sur un terrain glissant : poursuivre la lutte contre la corruption sans tomber dans le piège de la politisation, renforcer les mécanismes de reddition des comptes sans céder au spectacle.
Dans un pays où la méfiance à l’égard des institutions est encore profonde, et où chaque scandale de détournement affaiblit un peu plus le lien entre l’État et ses citoyens, la mission de l’IGF est cruciale. Le leadership de Bitasimwa sera jugé non sur ses déclarations, mais sur sa capacité à imposer des résultats concrets, à restaurer la discipline budgétaire, à contrôler sans faire peur, à redonner au mot « contrôle » une connotation constructive.
Ce changement à la tête de l’IGF intervient à un moment stratégique pour la République démocratique du Congo. Les ressources publiques doivent être gérées avec exemplarité alors que le pays affronte d’énormes défis économiques, une pression sociale croissante et des besoins d’investissements massifs. Plus que jamais, la transparence est attendue comme un socle de reconstruction. Et dans cette équation, Christophe Bitasimwa Bahii incarne à la fois la continuité de l’exigence et la promesse d’un regard neuf.