Jean-Paul Mbuebue Kapo est désormais dans le viseur de la justice. Samedi 10 mai 2025, l’Assemblée provinciale du Kasaï-Oriental a officiellement validé sa mise en accusation. En cause : la disparition de 3 millions de dollars transférés par Kinshasa pour soutenir les investissements locaux. La procédure a été renvoyée à la Cour de cassation, qui devra statuer sur les faits reprochés au gouverneur.
Le vote n’a laissé aucune ambiguïté : 14 députés sur 24 ont approuvé les conclusions du rapport d’accusation, malgré l’opposition de 9 élus et un bulletin considéré comme nul. Selon le document présenté, les détournements ne s’arrêtent pas au seul montant central. Une enveloppe de 100 000 dollars, censée relancer les activités agricoles par le biais du ministère provincial de tutelle, aurait été déviée. À cela s’ajoute une somme estimée à 450 millions de francs congolais issus des rétrocessions, sans traçabilité claire.
Des éléments plus techniques aggravent le tableau : falsifications de documents administratifs, effectifs fantômes, manipulation des pièces comptables et factures douteuses. Le rapport évoque un système de gestion volontairement opaque, mis en place pour brouiller les pistes sur l’utilisation réelle des fonds alloués entre 2023 et 2024.
Face à cette situation, la Constitution congolaise est formelle. Le gouverneur dispose d’un délai de 24 heures pour remettre sa démission. À défaut, il devra affronter la Cour constitutionnelle, seule instance habilitée à trancher les litiges impliquant des personnalités politiques de son rang. À l’heure actuelle, aucun communiqué officiel du gouverneur n’a encore été publié.
Ce dossier intervient dans un climat politique déjà tendu, où plusieurs provinces font l’objet d’audits sur la gestion de leurs finances publiques. La Cour des comptes, dans son dernier rapport, avait déjà alerté sur l’usage non contrôlé des crédits budgétaires transférés en 2023. D’après les données recueillies, seules 38 % des provinces auraient présenté des justifications conformes sur l’emploi des rétrocessions. Le Kasaï-Oriental faisait partie des entités signalées pour défaut de rapport financier à terme.
Pour plusieurs observateurs, cette mise en accusation pourrait marquer un signal d’alarme au niveau national. Le gouvernement central, régulièrement accusé de fermer les yeux sur les dérives locales, pourrait se servir de ce cas pour démontrer une volonté de contrôle renforcé sur l’exécution budgétaire en province.
Reste à savoir si la procédure enclenchée contre Jean-Paul Mbuebue Kapo sera menée jusqu’à son terme. Dans un passé récent, des affaires similaires ont été abandonnées faute de preuves suffisantes ou noyées dans les arrangements politiques. Cette fois, les regards sont tournés vers la Cour de cassation, et au-delà, vers la présidence de la République qui, selon plusieurs analystes, suit ce dossier de près.
— M. KOSI