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L’État congolais mobilise 50 milliards FC en bons du Trésor pour combler ses besoins immédiats

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La République démocratique du Congo revient sur le marché financier domestique avec une émission d’Obligations du Trésor d’un montant de 50 milliards de francs congolais, soit environ 17,5 millions USD. L’opération, fixée au 13 mai 2025, vise à répondre à un besoin immédiat de liquidité, sur fond de pressions budgétaires persistantes.

Le taux d’intérêt offert atteint 10 % pour une maturité fixée à 18 mois. Cette rémunération relativement élevée vise à capter la confiance des investisseurs institutionnels, principalement les banques commerciales, les sociétés d’assurance et les fonds de pension. Ces acteurs absorbent traditionnellement la majorité des émissions du Trésor dans un environnement où les alternatives d’investissement restent limitées et peu diversifiées.

La multiplication de ces opérations traduit une évolution du financement public congolais. Face aux limites de l’aide extérieure et aux délais d’exécution des grands financements multilatéraux, Kinshasa mise davantage sur l’endettement local à court et moyen termes pour équilibrer sa trésorerie. En 2024, le volume global des titres publics émis par le ministère des Finances a déjà dépassé les 2 200 milliards de FC, selon les statistiques de la Banque centrale du Congo.

En ciblant les investisseurs locaux, le gouvernement cherche aussi à renforcer le rôle du marché domestique dans le financement du développement. Cette orientation s’aligne sur les recommandations du Fonds monétaire international, qui encourage les pays émergents à profondément ancrer leurs mécanismes de financement dans l’épargne nationale, pour limiter les risques de change et réduire leur exposition aux fluctuations extérieures.

Mais ce levier n’est pas sans effets secondaires. L’endettement intérieur croissant soulève des préoccupations parmi les analystes financiers. Certains redoutent une pression progressive sur la liquidité bancaire, qui pourrait détourner les financements vers le Trésor au détriment du crédit aux entreprises et aux PME, déjà fragilisées par un accès limité au crédit. À cela s’ajoute le risque d’effet boule de neige sur la dette publique si les remboursements futurs ne sont pas anticipés avec rigueur.

La gestion de cette dette reste donc centrale. Plusieurs experts plaident pour une plus grande transparence dans l’allocation des fonds levés, afin de s’assurer qu’ils servent effectivement à financer des infrastructures utiles ou des investissements productifs, plutôt qu’à colmater des déficits structurels.

Le succès de l’opération de ce mardi dépendra largement du niveau de confiance actuel des opérateurs financiers, mais aussi de la clarté du message envoyé par les autorités. Un taux de 10 % laisse entendre une certaine tension sur les besoins de liquidité. Pourtant, dans un contexte de ralentissement de la croissance économique (estimée à 5,7 % en 2024 contre 6,6 % en 2023 selon la BCC), cette voie de financement reste l’une des rares options de manœuvre budgétaire à disposition du pouvoir exécutif.

À plus long terme, le ministère des Finances entend ouvrir ce marché à un public plus large. Des pistes sont évoquées pour sensibiliser les ménages à l’épargne publique, via des outils accessibles et digitalisés. Mais l’adhésion populaire passera inévitablement par un travail pédagogique et une promesse claire de rentabilité et de sécurité.

Derrière cette émission, se joue donc un exercice d’équilibre permanent : financer l’État sans assécher l’économie réelle, moderniser les finances publiques sans gonfler artificiellement la dette, mobiliser l’épargne sans casser la consommation.

Peter MOYI

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