Un nouveau cap se dessine pour les échanges commerciaux de la République Démocratique du Congo. L’Organisation mondiale du commerce (OMC) a confirmé son appui à Kinshasa pour accélérer l’intégration du pays dans le système commercial multilatéral. Cette annonce, formulée par sa directrice générale Ngozi Okonjo-Iweala lors d’un échange stratégique à Genève avec le ministre congolais du Commerce extérieur, Julien Paluku Kahongya, prévoit un accompagnement sur plusieurs fronts : renforcement des compétences locales, appui à la ratification des accords internationaux, et appui technique pour améliorer les conditions de compétitivité des exportateurs congolais.
Le gouvernement congolais, longtemps en marge de l’agenda commercial mondial, cherche à repositionner le pays non plus comme simple fournisseur de matières premières, mais comme un acteur structuré, doté d’une base réglementaire cohérente avec les standards internationaux. Le soutien de l’OMC devrait ainsi permettre de franchir un cap déterminant, en facilitant le transfert de technologies, l’actualisation des cadres juridiques, et la mise à niveau des capacités internes.
Parmi les premiers engagements annoncés, la RDC bénéficiera d’un appui direct pour ratifier deux accords phares de l’OMC : celui sur la facilitation des échanges et celui portant sur les subventions à la pêche. Le premier est conçu pour réduire les délais et les coûts liés au commerce transfrontalier, en améliorant notamment les procédures douanières. Selon la Banque mondiale, les économies ayant mis en œuvre cet accord ont réduit de 14 % en moyenne le temps d’exportation des marchandises.

Le second, beaucoup plus sensible, vise à réglementer les aides publiques aux activités de pêche, dans un contexte où la surpêche et les subventions non durables pèsent sur les ressources maritimes mondiales. La RDC, bien qu’étant davantage concernée par la pêche artisanale intérieure, devra aligner ses mécanismes de soutien à la production halieutique sur les normes définies par cet accord.
Cette avancée est présentée par Kinshasa comme le fruit d’un travail diplomatique entamé depuis plusieurs mois. Julien Paluku, qui défend une vision d’un commerce congolais “structuré, régulé et compétitif”, multiplie depuis 2023 les rencontres bilatérales avec les grandes institutions économiques internationales. Ce positionnement proactif tranche avec les approches passées, où le pays adoptait une posture plus attentiste face aux transformations du commerce global.
« Nous ne pouvons plus nous contenter de regarder le commerce mondial se structurer sans y prendre pleinement part. Il est temps de former nos opérateurs, de leur ouvrir des passerelles vers l’export, et de doter notre système de règles modernes« , aurait confié le ministre congolais en marge de sa réunion avec la patronne de l’OMC.
Pour veiller à la mise en œuvre concrète des engagements annoncés, une commission conjointe OMC–RDC va être mise en place. Elle aura pour mission d’élaborer un chronogramme d’actions, d’identifier les priorités techniques, et de piloter les missions de formation, notamment dans les provinces disposant d’un potentiel exportable encore peu exploité.
Il s’agira aussi de cibler les filières à fort potentiel, telles que l’agriculture transformée, les produits artisanaux à vocation régionale, ou encore certains minerais où la certification et la traçabilité constituent des conditions préalables à l’accès aux marchés à haute valeur ajoutée.
En toile de fond, c’est toute une nouvelle vision du commerce extérieur qui se profile pour la RDC. Le pays, encore classé parmi les économies les moins performantes en termes de fluidité commerciale (169ᵉ sur 180 selon le classement Doing Business 2020), voit dans cet appui de l’OMC une chance de moderniser ses structures sans attendre une réforme interne incertaine.
Ce soutien arrive dans un contexte où l’Afrique, à travers la ZLECAf (Zone de libre-échange continentale africaine), tente elle aussi d’harmoniser ses flux commerciaux. La RDC, avec ses 9 frontières terrestres, ne peut plus se permettre d’évoluer en vase clos. L’alignement sur les normes internationales devient non seulement une opportunité, mais une nécessité.
— M. KOSI