Cent jours après l’entrée en fonction du gouvernement de Judith Suminwa, il est temps de dresser un premier bilan de l’action gouvernementale. Alors que certains ministres semblent s’être illustrés par leur pragmatisme, d’autres continuent d’affronter des obstacles, ralentissant la mise en œuvre des réformes promises. Cette période initiale révèle un équilibre délicat entre ambitions affichées et les réalités d’une gestion complexe, dans un contexte où l’économie congolaise tente de maintenir une certaine stabilité. Revenons sur les performances de quelques figures ministérielles majeures.
Constant MUTAMBA: réformes judiciaires et lutte contre la corruption
Constant Mutamba, à la tête du ministère de la Justice, s’est fixé comme priorité de renforcer la transparence et la crédibilité du système judiciaire congolais. Une mesure phare a été la création du Parquet National Financier, une institution dédiée à traquer les infractions économiques. Ce nouvel outil, destiné à poursuivre ceux qui se livrent à la corruption, se veut dissuasif et exemplaire dans un pays où les détournements de fonds ont longtemps gangrené l’administration publique.
Pour accompagner cette mesure, une prison dédiée aux crimes économiques a vu le jour à N’sele. Cette infrastructure spécifique marque un tournant dans la gestion des affaires de corruption. De plus, l’opération “Bien Mal Acquis”, lancée par Mutamba, vise à récupérer les biens obtenus illégalement au cours des dernières années. Les chiffres de ces saisies commencent à apparaître, mais le chemin vers une réelle transformation du secteur judiciaire reste semé d’embûches. Si les réformes engagées suscitent l’espoir d’un assainissement des finances publiques, le ministre devra encore prouver l’efficacité durable de ses actions dans les mois à venir.
Doudou FWAMBA : efforts pour la stabilisation macroéconomique
Doudou Fwamba, ministre des Finances, a pris des mesures cruciales pour freiner l’inflation et stabiliser la monnaie nationale. L’une de ses réalisations les plus notables est la baisse de l’inflation, passée de 17,5 % en août 2023 à 9,4 % en août 2024. Cette réduction a été rendue possible par un meilleur contrôle des dépenses publiques et une gestion stricte de la politique monétaire. De plus, le taux de change du franc congolais a été stabilisé autour de 2.880 CDF/USD, une mesure saluée par les acteurs du marché.
Fwamba s’est également concentré sur l’amélioration des recettes fiscales, en lançant des réformes au sein de la Direction Générale des Impôts (DGI) et la Direction Générale des Douanes et Accises (DGDA), deux entités clés pour la collecte des revenus de l’État. Sa stratégie repose sur une lutte plus rigoureuse contre la fraude et une meilleure gestion des fonds publics, avec le soutien du FMI qui a financé plusieurs projets d’investissement. Toutefois, la question de la durabilité de ces mesures reste posée, et le gouvernement devra maintenir ses efforts pour consolider cette dynamique positive.
Kizito PAKABOMBA : dynamisation du secteur minier et attractions des investissements internationaux
Le ministre des Mines, Kizito Pakabomba, a récemment conduit une tournée nationale dans les principales provinces minières du pays, dont le Haut-Katanga, le Lualaba, le Haut-Uélé et le Nord-Kivu. Cette démarche visait à évaluer les conditions réelles d’exploitation sur le terrain, renforcer la gouvernance et assurer le respect des normes dans les activités minières. En dialoguant directement avec les acteurs locaux, Pakabomba a mis en place un cadre de transparence et de durabilité essentiel pour l’avenir du secteur minier congolais. Cette tournée s’inscrit dans une vision ambitieuse de transformer le secteur minier en un véritable levier de création de richesses et d’emplois pour les Congolais.
Sous l’égide du ministre, des efforts considérables ont été déployés pour améliorer les relations avec les investisseurs internationaux. En renforçant les partenariats avec des entreprises étrangères, le ministère a réussi à attirer des fonds supplémentaires pour le développement des infrastructures minières, ce qui est crucial pour l’augmentation des revenus miniers de l’État. Cette dynamique est également soutenue par un plan de redressement ambitieux pour la Société Minière de Bakwanga (MIBA), avec un investissement de 70 millions USD, visant à revitaliser l’une des entreprises minières les plus emblématiques du pays.
Par ailleurs, Kizito Pakabomba a supervisé la création de Primera Gold DRC, une entité destinée à réguler l’exportation de l’or artisanal, et a signé un accord stratégique avec la Zambie pour le développement d’une zone franche de 2 000 hectares dédiée à la fabrication de batteries électriques au Haut-Katanga. Ce projet ambitieux vise à placer la RDC au cœur de la chaîne de valeur mondiale des batteries, un secteur crucial pour l’avenir économique du pays.
Teddy LWAMBA : gestion énergétique et réformes hydrauliques
Teddy Lwamba, ministre des Ressources Hydrauliques et de l’Électricité, a pour mission de résoudre les problèmes énergétiques chroniques de la RDC. Un programme ambitieux pour augmenter la production d’électricité de 2 500 MW a été lancé, avec neuf sites identifiés pour renforcer la capacité nationale. Cette augmentation devrait répondre à une demande croissante d’énergie, tant pour les ménages que pour les industries.
Par ailleurs, Lwamba a introduit un système de comptage intelligent, visant à réduire les prélèvements illicites d’eau et à améliorer la gestion des ressources hydrauliques. Ce projet s’inscrit dans une démarche de développement durable, cruciale pour un pays dont l’abondance en ressources naturelles contraste avec la mauvaise gestion et les infrastructures vétustes. La réussite de ces initiatives dépendra de la capacité du gouvernement à mobiliser les financements nécessaires et à garantir un suivi rigoureux de leur mise en œuvre.
Aimé Sakombi MOLENDO : redynamisation des hydrocarbures
Guylain Aimé Sakombi Molendo, ministre des Hydrocarbures, s’efforce de revitaliser un secteur en déclin. Le développement d’un terminal de stockage à Goma et le lancement d’un système de marquage moléculaire des produits pétroliers visent à moderniser les infrastructures existantes et à améliorer la traçabilité des produits. Dans le cadre d’un dialogue avec les communautés locales à Moanda, des mécanismes de redistribution des revenus issus des hydrocarbures ont été mis en place pour garantir que les bénéfices de ces ressources profitent directement aux populations.
Malgré ces avancées, l’exploration pétrolière reste en deçà des attentes, et le secteur peine à attirer les investissements nécessaires. La modernisation des infrastructures, couplée à une meilleure régulation des revenus pétroliers, pourrait toutefois poser les bases d’une nouvelle dynamique pour le secteur.
Un début encourageant, mais des défis de taille
Les cent premiers jours du gouvernement Suminwa illustrent la complexité d’un programme de réformes en République Démocratique du Congo. Les ministres clefs, tout en posant les premières pierres d’une transformation économique, font face à des défis persistants. Qu’il s’agisse de la stabilisation de l’économie ou de la modernisation des infrastructures, ces efforts, encore fragiles, devront être consolidés pour garantir des résultats concrets et durables.