La saison agricole dans le territoire de Rutshuru, au Nord-Kivu, s’est achevée sur un bilan lourd. Les familles retournées après plusieurs années en camps de déplacés ont vu leurs récoltes presque anéanties. Ce revers intervient dans un contexte où l’agriculture locale représente l’essentiel des revenus de près de 60 % des ménages de la région, selon les données récentes de la Banque mondiale. Cette dépendance rend l’échec de la campagne d’autant plus préoccupant pour la stabilité économique locale.
Les perturbations climatiques ont été un facteur déterminant. Des épisodes de chaleur intense, amplifiés par la déforestation et une mauvaise gestion des périodes de semis, ont réduit la productivité des cultures. Les spécialistes agronomes rappellent que le respect des calendriers agricoles traditionnels et la préservation de la couverture arborée sont essentiels pour amortir les chocs climatiques. Une étude de la FAO publiée cette année souligne que la présence d’arbres sur les terres cultivées peut accroître les rendements d’environ 15 % dans les zones exposées à des conditions climatiques extrêmes. Ce levier écologique est particulièrement important dans le contexte du réchauffement climatique qui frappe la région.
Outre les contraintes naturelles, l’accès à la terre demeure un obstacle majeur. De nombreux agriculteurs qui, avant leur déplacement, louaient des parcelles, ne peuvent plus assumer les frais de location exigés par les propriétaires. Cette situation bloque la reprise agricole alors que les ressources financières des ménages retournés restent limitées. La fragilité économique de ces familles empêche un redémarrage durable des activités agricoles, creusant ainsi un cercle vicieux de vulnérabilité.
Pour la saison à venir, l’urgence porte sur la fourniture d’intrants agricoles adaptés — semences de qualité, outils modernes — mais également sur un accompagnement technique renforcé. Sans formation adéquate et appui sur les pratiques agricoles résistantes aux aléas climatiques, les populations risquent de subir un nouvel revers. Certaines ONG et agences de développement commencent à déployer des programmes ciblés, intégrant ces dimensions techniques, mais les besoins restent considérables.
Ce double défi climatique et économique dans le Nord-Kivu illustre les limites d’un modèle agricole dépendant des conditions naturelles et d’un accès précaire aux ressources. La relance durable passe par une coordination des interventions, incluant la protection de l’environnement et l’amélioration des capacités financières des agriculteurs. Sans ces mesures, la sécurité alimentaire dans cette région restera fragile, exacerbant les risques sociaux et économiques à moyen terme.
— Peter MOYI