Quand la Nationale 1 tousse, Kinshasa s’enrhume

0
296
R national1

Le fleuve Congo n’était pas seul à déborder. La Nationale 1 aussi, poumon logistique entre la capitale et le port maritime de Boma, s’est affaissée sous les assauts des eaux, tranchant net les échanges économiques comme une machette sur un régime de bananes.

Une reprise au ralenti sous escorte administrative

« Les véhicules passent, mais à pas de tortue », glisse un officier de la circulation rencontré à Kasangulu. Depuis dimanche, l’entreprise SIC SA, sous la houlette de l’Agence congolaise des grands travaux (ACGT), a entrepris le rechargement de la chaussée, en moellons d’abord, en solutions durables ensuite — peut-être.

Le trafic, rouvert en mode partiel, tente de retrouver son souffle. Le ministre d’État aux Infrastructures, visiblement pressé de calmer la tension sur le corridor ouest, a validé des opérations de désengorgement ciblées. Objectif : faire bouger les marchandises avant qu’elles ne pourrissent et éviter les « attroupements stagnants« , terreau de choléra et de rumeurs. Cette coupure, qui suit celle de Matadi-Kibala à peine réparée, a fait remonter une vérité que beaucoup préfèrent ignorer : l’économie congolaise roule sur une route qui s’effrite à chaque saison des pluies.

Selon des sources internes à la Direction générale de la SOPECO, le trafic moyen quotidien sur ce tronçon atteint 2.500 véhicules, dont 67 % sont des camions chargés. La moindre interruption se traduit par un déséquilibre immédiat sur les prix à Kinsasha, notamment pour les produits frais, dont les tomates venues du Bas-Congo et le poisson salé.

« Ce qui s’est passé à Mitendi est le résultat de dix ans d’abandon », murmure un ingénieur de terrain de la société concessionnaire, regard perdu vers la ligne d’horizon goudronnée. Le marché de Kinkole, lui, a vu ses prix grimper de 28 % en deux jours, selon une petite étude de terrain menée par les commerçants regroupés au sein de l’Association des détaillants de la périphérie.

L’alternative fluviale improvisée… mais payante ?

Pour éviter le chaos à l’aéroport international de N’djili, inondé d’anxiété plus que d’eau, le ministère des Transports a lancé en urgence une opération de navettes fluviales. Au départ de Beach Ngobila, des embarcations ONATRA mènent les voyageurs jusqu’à Kinkole ou Safari Beach, avant un transfert en bus Transco.

« Je suis arrivé à temps pour mon vol, mais j’ai payé trois fois plus que prévu », raconte un passager de retour du port Congo Futur, billet Turkish Airlines à la main. Une solution temporaire qui pourrait bien inspirer une nouvelle boucle logistique en cas d’effondrement durable des routes terrestres.

La question qui ronge : reconstruire ou rafistoler ?

Chaque saison pluvieuse agit comme un crash test grandeur nature. À combien s’élèverait une réhabilitation intégrale de la RN1 ? Selon une estimation confidentielle d’un cadre de l’ACGT, près de 550 millions USD seraient nécessaires pour sécuriser les 350 km de route à risque, soit l’équivalent de trois fois le budget annuel du ministère du Développement rural.

Par M.KOSI

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici