Le dernier rapport sur l’indice de développement des TIC pour l’année 2024 dresse un constat inquiétant pour la République Démocratique du Congo (RDC), qui peine à s’aligner sur la dynamique de développement numérique en Afrique. Avec un score de 37,6 points sur 100, le pays se retrouve en 40e position sur 46, très loin des performances de ses voisins africains tels que le Ghana (66,2) ou le Kenya (58,5). En tête du classement, la Libye (88,1), le Maroc (86,8) et les Seychelles (84,7) continuent de creuser l’écart, confirmant leur avance dans l’adoption des nouvelles technologies.
Une infrastructure numérique insuffisante et des coûts prohibitifs
L’un des principaux obstacles au développement du numérique en RDC est l’insuffisance des infrastructures de base. Le déploiement limité de la 4G, cantonné à quelques grandes villes, rend l’accès à internet particulièrement difficile dans les zones rurales. De plus, le manque de centres de données locaux et l’absence de couverture en fibre optique dans de nombreux territoires freinent l’essor d’un écosystème numérique performant.
Les défis ne se limitent pas à la couverture. Les tarifs de connexion internet restent parmi les plus élevés du continent. Par exemple, le coût moyen d’un abonnement de 1 Go de données mobile en RDC s’élève à environ 1,5 % du revenu mensuel moyen, contre seulement 0,5 % au Maroc. Ce fossé tarifaire, combiné à des services de qualité souvent inférieure, écarte une grande partie de la population de l’accès aux services numériques.
Un environnement peu propice aux investissements
L’instabilité économique et l’absence d’une réglementation adaptée découragent les investisseurs dans le secteur des TIC. Les lourdeurs administratives, l’insécurité juridique et la volatilité des taux de change créent un contexte défavorable pour l’émergence de projets technologiques ambitieux. Les acteurs du secteur privé, aussi bien locaux qu’étrangers, sont souvent réticents à engager des capitaux importants dans un environnement perçu comme risqué.
À titre de comparaison, le Maroc a su mettre en place une politique incitative avec des zones franches technologiques et des réductions fiscales pour les entreprises innovantes, attirant ainsi plus de 500 millions de dollars d’investissements étrangers dans le secteur des TIC sur les trois dernières années. La RDC, quant à elle, peine à attirer des financements significatifs, avec un volume d’investissement limité à quelques initiatives ponctuelles.
Des leviers pour un rebond numérique
Néanmoins, la RDC possède des atouts qui pourraient lui permettre de rattraper une partie de son retard. La jeunesse de sa population, avec un âge médian de 17 ans, constitue un vivier de talents potentiels pour l’industrie numérique. Pour capitaliser sur cette opportunité, le gouvernement congolais pourrait se concentrer sur plusieurs axes stratégiques :
- Modernisation des infrastructures : Un investissement massif dans la fibre optique et l’expansion de la couverture 4G et 5G s’avère nécessaire pour offrir une connectivité de qualité sur tout le territoire.
- Accès équitable aux services : En baissant les coûts d’accès à l’internet, grâce à des subventions ou à des partenariats public-privé (PPP), il est possible de stimuler l’adoption du numérique par une plus large part de la population.
- Soutien à l’entrepreneuriat technologique : La création d’incubateurs et de programmes de formation pour les jeunes entrepreneurs pourrait accélérer la naissance de start-ups locales capables d’apporter des solutions numériques innovantes.
L’amélioration du cadre réglementaire est également cruciale pour rassurer les investisseurs. Une politique de soutien aux start-ups, avec des facilités fiscales et l’accès à des financements adaptés, pourrait créer un écosystème favorable à l’innovation.
Un potentiel de croissance à exploiter
Pour redresser sa position dans le classement des TIC en Afrique, la RDC doit prendre des mesures concrètes pour lever les freins au développement du numérique. Le pays dispose d’opportunités pour transformer son retard en levier de croissance, à condition d’engager une collaboration active avec les acteurs du secteur privé et les institutions internationales. Le chemin vers un développement numérique inclusif est encore long, mais avec une stratégie adaptée, la RDC pourrait devenir un hub technologique régional dans les années à venir.
M.KOSI