La taille de l’économie congolaise progresse — 70,1 milliards USD de PIB en 2024 —, tirée par le cuivre et le cobalt. Dans le même temps, la facture des importations a atteint 28 milliards USD en 2023, soit 41,85 % du PIB, avec plus de 3 milliards USD pour l’agroalimentaire. La dette publique reste basse (22,8 % du PIB en 2024), offrant une marge d’action budgétaire sous-exploitée.
Ce que révèlent les chiffres du commerce et de la dette
La croissance réelle a culminé à 8,4 % en 2023. Les projections retombent vers 6,0–6,5 % en 2024, puis 4,7–5,4 % en 2025. Le moteur reste étroit : l’extraction minière. Les cours mondiaux pilotent la trajectoire. Cette configuration diffuse peu de prospérité : le PIB par habitant stagne autour de 686–688 USD en 2024, alors qu’une large part de la population vit sous le seuil de pauvreté.
Sur le plan externe, la balance commerciale est ressortie excédentaire d’environ 1,6 milliard USD en 2023. Cet excédent repose quasi entièrement sur la valeur des exportations minières. Une baisse des prix du cuivre ou du cobalt inverserait vite la courbe. La pression se verrait d’abord sur les réserves de change et le taux de change, avec un effet immédiat sur les prix intérieurs. L’inflation fin 2023 s’établissait déjà à 23,171 %.
La structure géographique des approvisionnements confirme la dépendance : Chine ~34 % des biens importés, Émirats arabes unis ~11 %, Europe ~10 %, Afrique du Sud ~7 %, Zambie ~4 %. La RDC échange ses minerais contre des biens manufacturés, des équipements et des intrants industriels. La vulnérabilité vient de là : quand la logistique se grippe ou que les prix internationaux bougent, la facture suit.
Le cadre budgétaire reste, lui, relativement sain. Dette publique totale : 22,8 % du PIB en 2024, en baisse attendue par la suite. Déficit autour de 2 % du PIB : un niveau gérable si les dépenses sont orientées vers des actifs productifs. Cette marge permettrait d’accélérer les investissements publics ciblés — énergie, routes, logistique, irrigation — qui abaissent les coûts pour l’agriculture et l’industrie locales.

Le point de friction le plus visible se trouve dans l’agroalimentaire. Malgré 80 millions d’hectares arables et un réseau hydrographique dense, moins de 10 % des terres seraient effectivement cultivées. La conséquence est claire : plus de 3 milliards USD d’achats alimentaires à l’extérieur chaque année, un drain régulier de liquidité en devises et une exposition directe aux chocs de prix internationaux. La rente minière finance cet équilibre instable ; elle retarde les arbitrages d’investissement qui rendraient la production locale compétitive.
L’économie paie aussi des coûts logistiques élevés et une faible densité d’infrastructures en zones rurales : routes secondaires dégradées, stockage insuffisant, accès limité à l’énergie pour la transformation. La productivité reste basse, l’essentiel des pratiques reposant sur la pluie et des techniques extensives. Tant que ces goulets d’étranglement ne sont pas traités, la substitution d’importations reste théorique.
Le pays dispose pourtant d’un atout rare : un stock de dette modéré et une capacité d’emprunt encore disponible. Utilisée prudemment, cette latitude budgétaire peut réduire les coûts fixes du secteur productif et attirer des capitaux privés là où les risques sont aujourd’hui trop élevés. L’approche la plus efficace combine investissements publics d’amont (énergie, irrigation, corridors logistiques, entrepôts, postes frontaliers) et incitations ciblées pour la transformation locale — en particulier pour les filières de base (manioc, maïs, huiles, riz). L’objectif n’est pas de remplacer tout, partout, mais de remonter quelques chaînes de valeur prioritaires afin d’abaisser la facture extérieure la plus sensible : l’alimentation.

Le Plan National Stratégique de Développement (2023–2027) et le Programme de Transformation de l’Agriculture offrent déjà un cadre. Il s’agit de passer de l’intention à l’exécution : mécanisation, intrants, services de conseil, financement du cycle agricole, achats publics de proximité pour amorcer la demande, et zones économiques dédiées à l’agro-industrie là où l’énergie est disponible. Chaque dollar investi doit viser un gain de productivité mesurable et une baisse des importations identifiée poste par poste.
Côté industrie extractive, l’enjeu est double : sécuriser la logistique d’exportation pour amortir la volatilité, et accroître la transformation locale quand c’est rentable à court et moyen terme. Chaque point de valeur ajoutée capté sur place stabilise les recettes fiscales, renforce la balance des paiements et soutient le financement des infrastructures communes. Le signal prix, lui, doit rester lisible : régulation prévisible, droits de propriété clairs, délais administratifs raccourcis.
Trajectoire cible à moyen terme : ramener la part des importations agroalimentaires à moins de 2 % du PIB d’ici 2030, contre plus de 4,48 % aujourd’hui, en s’appuyant sur des projets bancables, une gouvernance de l’investissement plus stricte et des KPI simples : volumes produits, parts de marché domestiques, coûts logistiques par tonne-kilomètre, pertes post-récolte, couverture énergétique des sites de transformation. Sans amélioration concrète sur ces métriques, la croissance restera concentrée et instable.
En résumé : PIB en hausse, dette modeste, mais dépendance importée élevée. La fenêtre budgétaire existe. L’arbitrage est clair : investir vite et bien dans les maillons qui réduisent les coûts de production et sécurisent l’offre locale. La stabilité des prix, la liquidité en devises et la progression du revenu par habitant en dépendent.
— M. KOSI






