Dix mois sans salaires, un « dry lease » d’A320 qui vire au soupçon d’escroquerie et un Certificat de transporteur aérien en sursis: le collectif des agents de Congo Airways alerte la ministre du Portefeuille dans une lettre datée du 30 octobre 2025. La compagnie publique cumulerait 10 mois d’impayés pour les agents, plus de 24 mois pour des sous-traitants, et un projet de location d’avions resté sans résultat malgré un financement public.
Le courrier vise la gestion du directeur général nommé en janvier 2025. Les agents décrivent une entreprise à l’arrêt, sans plan de redressement communiqué, alors que l’État a soutenu un projet de « dry lease » pour deux Airbus A320. Dans ce schéma, le bailleur fournit uniquement l’appareil ; l’exploitant prend à sa charge équipage, maintenance, réparations, assurance, carburant et opérations.
Un « dry lease » d’A320 au cœur des soupçons
Le point le plus sensible porte sur une opération annoncée en juin 2025. Un virement de 255 000 USD serait parti d’une banque de la place vers une société américaine dénommée « International Air Leases », censée livrer un A320. Les agents affirment que l’adresse déclarée ne correspondait à aucune entité active.
« Les auteurs de l’escroquerie se sont volatilisés dans la nature avec l’argent perçu », écrivent-ils.
Une plainte a été déposée au parquet pour escroquerie et association des malfaiteurs. Le collectif met en cause la gouvernance interne, évoquant des intermédiaires introduits auprès du directeur général par la directrice générale adjointe. La correspondance mentionne une autre transaction d’environ 1 million USD, passée de gré à gré, en rupture avec la loi sur les marchés publics.
Les agents rappellent que l’Inspection générale des finances (IGF) avait déjà signalé en 2021 des failles favorisant des « fuites de recettes ». La compagnie traînerait environ 80 millions USD d’endettement, une tarification jugée inadaptée et des effets post-Covid encore visibles. Au regard de ces fragilités, tout projet de location sèche exige des procédures d’évaluation fine des risques contractuels et de la capacité opérationnelle à remettre des avions en ligne.
Salaires impayés et climat social dégradé
La crise sociale ressort avec acuité.
« Les agents cumulent plus de 10 mois d’arriérés de salaire, et les sous-traitants comme ITM et SODEICO en sont à plus de 24 mois. »
Malgré cette situation, le collectif accuse la direction d’exiger la présence de tout le personnel sous peine de retenues, alors que la société ne financerait plus le transport du personnel. Les agents invoquent le Code du travail et des arrêtés en vigueur pour rappeler l’obligation de couvrir ce poste ou d’en rembourser le coût. La question du SMIG est posée en filigrane: comment assumer des déplacements quotidiens vers l’aéroport sans rémunération régulière et sans bus d’entreprise ?
CTA en péril: l’existence même de l’opérateur en jeu
Le Certificat de transporteur aérien (CTA) arrive à expiration. Pour être renouvelé, un opérateur doit démontrer la conformité réglementaire, la capacité technique et la solidité financière. Faute d’appareils en service et de moyens documentés, la compagnie risque de perdre sa licence d’exploitation. Le collectif prévient qu’un arrêt prolongé alourdit la dette sociale, renchérit la reprise et fragilise l’outil industriel, du maintien de navigabilité à la compétence des équipages.
Exigence d’audit et de responsabilité
Les agents demandent à la ministre du Portefeuille de missionner un audit administratif et financier immédiat afin d’établir les responsabilités et d’ordonner les mesures correctrices.
« L’État ne peut pas continuer à subventionner une entreprise où règnent l’opacité, l’incompétence et le mépris des lois », concluent-ils.
Au-delà du cas d’espèce, la correspondance remet en lumière les fragilités de plusieurs entreprises publiques: dette héritée, modèles économiques à reconstruire, gouvernance perfectible et exposition aux risques contractuels. Pour une compagnie aérienne, la relance repose sur un enchaînement précis: assainissement financier, sécurisation des contrats d’avions, plan de maintenance réaliste, assurances conformes et exploitation soutenable par les recettes. Le moindre maillon défaillant bloque la remise en ligne et compromet le renouvellement du CTA.
Congo Airways se retrouve ainsi face à une équation serrée: retrouver des liquidités pour régler les arriérés, prouver la traçabilité des dépenses liées aux projets de flotte, puis déployer un plan opérationnel crédible. Sans cela, la perte de licence fermerait la porte du marché et alourdirait la facture pour l’actionnaire public.
— M. KOSI






