« Un pays qui attend encore d’exploiter tout son potentiel, c’est une réserve dormante. Ce que nous voulons, c’est allumer l’étincelle. » — Judith Suminwa, AIM Congress, 9 avril 2025
En 1973, l’Arabie Saoudite changeait la donne mondiale en nationalisant Aramco. Ce geste, qualifié alors de téméraire, allait placer Riyad sur la carte des puissances pétrolières. Le 9 avril 2025, à Abu Dhabi, la Première Ministre congolaise a tenté un geste similaire, symboliquement parlant : repositionner la RDC comme la réserve d’investissement la plus sous-estimée du continent africain, mais prête à s’embraser.
« Investir en RDC, c’est maintenant ! » L’appel lancé par Judith Suminwa lors du dernier jour du Annual Investment Meeting Congress (AIM) n’était pas une formule de politesse. Derrière cette phrase martelée au micro d’un panel très suivi, se jouait une offensive diplomatique et économique d’ampleur.
La Zone Économique Spéciale de Maluku, initiée en 2017 et souvent reléguée au rang de projet fantôme dans la presse économique congolaise, vient de rafler le Best Investment Project Award. Une récompense qui a surpris certains investisseurs, mais qui a surtout remis Kinsasha dans le viseur des fonds souverains du Golfe.
Dans les travées de l’ADNEC Center, un représentant du fonds d’investissement Mubadala s’étonne : « Le dossier congolais présenté cette année était bien plus structuré que ceux des éditions précédentes. On sent qu’ils ont compris nos attentes. »
Derrière cette nouvelle image, un travail de toilettage institutionnel : l’ANAPI (Agence nationale pour la promotion des investissements), épaulée par l’UCPPP (Unité de coordination du partenariat public-privé), a présenté une panoplie de réformes douanières, d’incitations fiscales et de garanties souveraines. Le tout mis en musique avec l’ANSER (Agence nationale de l’électrification) et la CTCPM (Cellule technique des mines).
Ces agences n’avaient jamais parlé d’une même voix. À Abu Dhabi, elles ont réussi à accorder leurs violons autour d’un message : la RDC ne brade plus, elle négocie.
D’après les données de la Fédération des entreprises du Congo (FEC), les projets bloqués pour cause de lourdeurs administratives représentaient plus de 480 millions USD en 2023. Un chiffre qui donne une idée des défis que ce nouvel élan devra affronter.
Un négociant basé à Lubumbashi, joint par Lepoint.cd, confie :
« L’État peut faire toutes les réformes qu’il veut. Tant que les gouverneurs exigent leurs parts sous la table, les vrais investisseurs resteront prudents. »
Il cite le cas d’un projet photovoltaïque bloqué depuis 14 mois pour des raisons jugées « techniques ».
Même au sein du gouvernement, certains reconnaissent à demi-mot les obstacles internes. Un cadre du ministère du Plan, également présent à Abu Dhabi, murmure :
« Les réformes existent sur papier. Mais sur le terrain, même l’électricité n’arrive pas jusqu’aux ZES sans groupes électrogènes. »
Alors, pourquoi cette reconnaissance internationale ? Plusieurs diplomates africains interrogés estiment que la RDC a mieux communiqué que d’habitude, tout en bénéficiant du soutien logistique de partenaires émiratis.
La distinction accordée à la Première Ministre, en marge de l’événement, pour son leadership régional, est autant diplomatique qu’économique. Elle vise à envoyer un signal : la RDC n’est plus un pari instable, mais un projet réorganisé.
Reste à savoir si ce virage sera durable ou s’il s’évanouira comme d’autres élans passés. L’avenir du tissu productif national en dépend. À Abu Dhabi, la RDC a montré qu’elle savait présenter une vitrine. Il reste à prouver que l’arrière-boutique suit.
Par M.KOSI






