30 414 tonnes extraites et +20 % en T1, la RDC met en avant plus de 70 % de réserves mondiales de cobalt.

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cmoc cobalt

En août 2019, à Pékin, lors d’un forum sino-africain discret mais stratégique, un conseiller du ministère chinois des Ressources naturelles déclarait : « La maîtrise des métaux critiques n’est pas une priorité, c’est une nécessité. » Six ans plus tard, cette formule résonne avec acuité dans les couloirs feutrés de Kinsasha, où la tension monte autour du cobalt, ce métal bleu devenu l’épine dorsale des ambitions technologiques mondiales.

La compagnie chinoise CMOC, active en République démocratique du Congo (RDC), a extrait 30 414 tonnes de cobalt entre janvier et mars 2025, soit une progression annuelle de 20 %. Cette performance, confirmée dans un rapport relayé par Reuters, illustre une situation paradoxale : la production explose, mais les exportations restent bloquées depuis l’interdiction édictée par le gouvernement congolais en février.

À ce jour, la RDC détient plus de 70 % des réserves mondiales connues de cobalt, utilisé dans les batteries de véhicules électriques et les systèmes de stockage d’énergie. En stoppant les sorties du minerai brut, Kinshasa espère provoquer un effet d’étranglement pour faire remonter les cours, en chute libre depuis plus d’un an. Une manœuvre comparable à celle de l’OPEP en 1973, lorsque les pays producteurs de pétrole décidèrent de refermer les vannes pour reprendre la main sur les marchés.

Dans ce bras de fer feutré, CMOC semble camper sur ses positions. Le groupe chinois n’a pas interrompu ses extractions, misant sur une hypothétique levée de l’embargo d’ici juillet. Sa production annuelle visée reste comprise entre 100 000 et 120 000 tonnes, dans la lignée de l’année précédente, où la firme avait déjà franchi le seuil symbolique des 114 000 tonnes. Cette stratégie repose sur une réalité technique peu contournable : le cobalt est un sous-produit du cuivre, et CMOC extrait les deux à Tenke Fungurume et Kisanfu. Interrompre le cobalt reviendrait à perturber les flux de cuivre, dont les cours — autour de 8 900 dollars la tonne au 1er avril — assurent un équilibre financier stable à l’opérateur.

Là où les graphiques prennent le relais des discours, les chiffres dessinent une courbe en V. Entre fin février et fin mars, le prix spot du cobalt sur le London Metal Exchange a bondi de 57 %, passant de 21 000 à 33 000 dollars la tonne. Le pic atteint fin mars constitue une première depuis mai 2023. Pour le gouvernement congolais, cette flambée valide sa stratégie. Le Conseil des ministres du 4 avril dernier a même souligné, dans un communiqué, que cette inflexion « permet d’envisager un rétablissement des contributions minières dans les recettes publiques à court terme ».

Mais le répit pourrait être de courte durée. Un négociant basé à Lubumbashi, qui a requis l’anonymat, confie : « Si CMOC relâche ses stocks d’un seul coup dès la levée de l’embargo, les prix vont rechuter comme en 2022. On va juste déplacer le problème. »

Ce risque alimente désormais les discussions au sein de l’exécutif congolais. Le ministère des Mines planche sur un système de quotas d’exportation, inspiré de celui appliqué au lithium en Argentine. Mais sans calendrier ni détails sur les volumes concernés, l’annonce reste théorique. Elle reflète toutefois une volonté plus large : restructurer le tissu productif national autour de la transformation locale.

À Kolwezi, capitale minière du Lualaba, plusieurs unités pilotes de traitement du cobalt sont en cours de construction, dont l’une portée par une joint-venture sino-congolaise. Objectif affiché : produire dès 2026 du sulfate de cobalt, matière intermédiaire prisée par les fabricants de batteries. Le ministre de l’Industrie, en déplacement dans la région début mars, avait insisté : « Le cobalt ne doit plus quitter le pays sous forme de roche. »

À ce stade, une équation reste ouverte : comment concilier les intérêts des grands groupes étrangers, les exigences de rentabilité immédiate et les aspirations congolaises à la montée en valeur ? Car si Kinshasa verrouille trop fort le marché, elle pourrait inciter certains partenaires à geler leurs investissements. Mais en l’ouvrant trop vite, elle prendrait le risque de brader une ressource stratégique.

Par M. MATUVOVANGA

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