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Cobalt : une baisse de 54 % en deux ans, quels défis pour l’économie de la RDC ?

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La baisse continue des prix du cobalt sur le marché international vient exacerber les vulnérabilités de l’économie de la République Démocratique du Congo (RDC). En tant que premier producteur mondial de ce métal indispensable aux batteries des véhicules électriques, la RDC se retrouve en première ligne des impacts économiques liés à ces fluctuations. Alors que le monde entier se tourne vers des solutions énergétiques plus durables, l’économie congolaise doit faire face à des ajustements urgents.

En septembre 2024, le prix du cobalt a atteint un plancher inattendu, avec des transactions entre 10 et 11,80 dollars la livre, soit environ 23 610 dollars la tonne. Ce niveau représente une baisse drastique de 54 % par rapport à la même période deux ans plus tôt, où la tonne de cobalt se négociait à 51 000 dollars. En comparaison, en mars 2022, ce même métal atteignait le pic de 81 000 dollars la tonne.

L’origine de cette chute se situe dans une surproduction mondiale : 210 000 tonnes de cobalt ont été extraites en 2023, surpassant une demande de 197 000 tonnes. Une tendance qui devrait perdurer en 2024 avec une offre estimée à 245 000 tonnes pour une demande de seulement 237 000 tonnes. Cette situation fait pression sur les producteurs comme la RDC, qui assure près de 70 % de la production mondiale.

Impact sur les revenus d’exportation

cobalt

Pour la RDC, dont l’économie repose principalement sur l’exportation de matières premières, cette baisse des prix constitue un coup dur. Le cobalt représente une part essentielle des revenus d’exportation, servant principalement à financer les importations et à soutenir les réserves en devises. La dévaluation du cobalt affecte ainsi directement les ressources disponibles pour l’économie nationale, ralentissant les investissements et exacerbant les déficits.

Nicolas Kazadi, ministre des Finances de la RDC, a mis l’accent sur la nécessité de transformer le cobalt localement pour accroître les revenus nationaux. Actuellement, une grande partie du cobalt congolais est expédiée à l’étranger pour être transformée, notamment en Chine, privant ainsi le pays d’une importante valeur ajoutée. Une industrialisation locale pourrait permettre de capter une part significative de cette valeur, tout en stimulant la création d’emplois et en réduisant la dépendance aux prix mondiaux volatils.

Réformes nécessaires pour stabiliser le secteur

La chute des prix met également en lumière les faiblesses structurelles du secteur minier en RDC. Pour remédier à cette situation, le gouvernement explore plusieurs pistes, dont l’introduction de quotas d’exportation. Bien que cette mesure soit débattue, l’objectif serait de stabiliser les prix du cobalt en limitant l’offre sur le marché international. Toutefois, des voix s’élèvent contre cette stratégie, arguant qu’elle pourrait réduire la compétitivité du cobalt congolais face aux alternatives moins coûteuses utilisées dans les nouvelles technologies de batteries.

Par ailleurs, la formalisation du secteur artisanal du cobalt devient une priorité. Le manque de régulation dans ce domaine crée des pertes pour l’État, tandis que la traçabilité des exportations reste un défi de taille. Pour y remédier, des entités comme l’Entreprise Générale du Cobalt (EGC) et l’Autorité de Régulation et de Contrôle des Marchés des Substances Minérales Stratégiques (ARECOMS) travaillent à encadrer ces activités et à améliorer la transparence, afin d’attirer des partenaires internationaux sensibles aux enjeux environnementaux et sociaux.

Des perspectives positives malgré les difficultés actuelles

Malgré ces défis, le cobalt reste un métal stratégique, dont la demande mondiale devrait augmenter au cours des prochaines années, portée par l’essor des véhicules électriques et la transition énergétique. Selon certaines prévisions, la demande pourrait atteindre 410 000 tonnes d’ici 2030, soit presque le double des niveaux actuels. Pour profiter pleinement de cette croissance, la RDC devra mettre en place une gestion proactive de son secteur minier, notamment en surveillant étroitement l’évolution des marchés internationaux.

L’effondrement des prix du cobalt place la RDC dans une situation délicate, mais cette crise pourrait également servir de catalyseur pour des réformes structurelles profondes. Une transformation locale du cobalt, combinée à une meilleure gestion des ressources et à une régulation stricte du secteur artisanal, offrirait à la RDC une opportunité unique de tirer profit de ses ressources naturelles tout en renforçant sa résilience face à la volatilité des marchés mondiaux.

Peter MOYI

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