Entre janvier et mars 2025, près de 408 millions de dollars ont été déboursés par le Trésor congolais sous le régime des dépenses en urgence, soit 15,63 % du total des engagements publics pour le premier trimestre. Une proportion qui dépasse presque le double de l’objectif annuel, fixé à 8 % selon les engagements pris avec le Fonds monétaire international dans le cadre du programme en cours.
Ces chiffres, extraits d’un rapport provisoire du ministère des Finances, illustrent une gestion budgétaire encore fortement marquée par l’usage de procédures dérogatoires. Mais ce recours à l’urgence n’est pas uniforme. Une fois soustraites les dépenses militaires destinées à sécuriser l’Est du pays, cette part chute à 1,58 %, traduisant une certaine discipline budgétaire hors du périmètre sécuritaire.
Sur les trois mois étudiés, la courbe d’exécution laisse apparaître une évolution fluctuante. En janvier, 338,97 milliards de francs congolais ont été mobilisés sous cette procédure, ce qui équivaut à 16,06 % des dépenses mensuelles. Le mois suivant, ce taux grimpe à 18,07 %, avec 436,21 milliards CDF, avant de redescendre à 13,32 % en mars, soit 392,66 milliards CDF.
La ventilation des montants révèle que près de 90 % des crédits concernés, soit 1.049,36 milliards de francs congolais, ont été affectés à des dépenses exceptionnelles. Le reste, 118,48 milliards, a servi au fonctionnement des institutions publiques.
Pour rappel, la procédure d’urgence permet à l’exécutif de débloquer des fonds en contournant certaines étapes administratives classiques, en principe réservée aux situations pressantes ou imprévues. C’est justement cet usage que le gouvernement congolais tente de justifier dans le contexte des défis sécuritaires persistants, notamment dans les provinces de l’Est.
Mais la part restante, hors sécurité, pose question. Car plus de 1 franc sur 10 a été dépensé hors des canaux classiques, dans un pays où la traçabilité de l’argent public reste un sujet de préoccupation majeure. Le FMI, partenaire technique et financier clé du pays, insiste sur ce point. Il attend des mécanismes de contrôle plus rigoureux, et des publications régulières comme celle-ci sont censées matérialiser cet engagement en faveur de la transparence.
Derrière ces statistiques se joue donc un bras de fer discret mais structurant pour les finances publiques congolaises : celui de l’équilibre entre réactivité institutionnelle et discipline comptable. Une course entre les exigences de la gouvernance moderne et les réflexes d’un système encore fragile.
— M. KOSI






