L’administration fiscale congolaise s’aligne sur les standards internationaux pour moderniser sa collecte et contrer les fuites de revenus. À l’issue de la conférence régionale sur la fiscalité francophone tenue à Kinshasa, la Direction générale des impôts (DGI) a appelé à l’adoption d’un modèle de maturité numérique destiné à structurer la digitalisation de ses services. Cette réforme vise à améliorer la mobilisation des ressources internes, un levier jugé indispensable dans un contexte de dépendance budgétaire persistante.
Face à l’inefficacité chronique des systèmes manuels, la DGI mise désormais sur une administration connectée et traçable. Son directeur général, Barnabé Muakadi Muamba, a insisté sur l’urgence d’intégrer des outils numériques capables de suivre les flux, de limiter les fraudes, mais aussi d’anticiper les comportements d’évitement fiscal. « Nous préconisons l’adoption d’un référentiel numérique et d’un modèle de lutte contre le transfert de bénéfices (BEPS)« , a-t-il déclaré. Il s’agit d’aligner la RDC sur des standards pratiqués par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui soutient activement les pays en développement dans leurs réformes fiscales.
L’OCDE pousse en effet à une transformation globale des systèmes fiscaux, et les résultats parlent d’eux-mêmes. Le Cameroun, cité à plusieurs reprises lors de la conférence, a intégré une taxe sur le commerce électronique. Cette seule mesure a permis de générer plusieurs milliards de Francs CFA en recettes supplémentaires, selon Samia Abdelghani, conseillère fiscale principale de l’organisation. Un succès qui a incité d’autres pays à adopter le même levier. La République démocratique du Congo n’est pas en reste. Elle ambitionne désormais d’appliquer cette taxe à son tour, en capitalisant sur les retours d’expérience et les outils partagés par le CREDAF (Cercle de Réflexion et d’Échange des Dirigeants des Administrations Fiscales).
Pour que ces outils numériques soient efficaces, les experts rappellent qu’un changement culturel s’impose. « Sans adhésion des contribuables, aucune réforme ne sera pérenne« , a rappelé Diallo Ismailla, secrétaire général adjoint du CREDAF. Il souligne l’importance de former, informer et responsabiliser les contribuables, via des campagnes d’éducation fiscale. Ce volet pédagogique est d’autant plus important que la RDC fonctionne sous un régime déclaratif : les entreprises, comme les particuliers, déclarent eux-mêmes leurs revenus, ce qui laisse place à des abus si les contrôles sont absents ou inefficaces.
L’administration fiscale congolaise envisage aussi de renforcer ses dispositifs de vérification. Des contrôles fiscaux seront systématisés afin de comparer les déclarations à la réalité des flux financiers. Cela suppose une montée en compétences des agents, mais aussi l’uniformisation des pratiques déclaratives. C’est l’un des objectifs du modèle de déclaration unique évoqué par plusieurs délégations. Une approche déjà expérimentée dans certains pays membres du CREDAF, et qui permettrait de centraliser l’information, fluidifier le traitement des dossiers, et simplifier les démarches pour les entreprises.
Derrière ces propositions se dessine un modèle fiscal en mutation : plus interactif, mieux connecté, plus transparent. Un modèle qui intègre aussi des préoccupations transversales comme la fiscalité verte, la fiscalité liée à la santé, et même l’équilibre de genre au sein des administrations, mentionné par Barnabé Muakadi. Ce dernier a salué les apports techniques de l’OCDE et du CREDAF, tout en insistant sur la nécessité pour la RDC d’atteindre une autonomie financière progressive. Ce ne sera possible, selon lui, que si le pays parvient à asseoir une fiscalité stable, moderne et équitable.
— M. KOSI