Dans le cadre d’une démarche stratégique visant à reprendre en main son secteur énergétique, le Cameroun a récemment conclu un accord de coopération avec le prestigieux cabinet de conseil KPMG France. Cette collaboration fait suite à un processus d’appel d’offres restreint, initié il y a deux mois par le ministère de l’Eau et de l’Énergie, dans le but de réacquérir la société de production et de distribution d’électricité Energy of Cameroon (Eneo), actuellement détenue par le fonds d’investissement britannique Actis.
En 2013, Actis avait fait l’acquisition des parts de l’Américain AES dans cette société, à l’époque connue sous le nom d’AES Sonel, à la suite de la privatisation du secteur de l’électricité au Cameroun en 2001. Cette opération a marqué le désengagement de l’État dans les activités de production et de commercialisation d’électricité.
L’objectif majeur de cette nouvelle collaboration avec KPMG France est d’évaluer de manière précise la valeur actuelle des actions d’Eneo, en vue de négocier un protocole d’accord transactionnel permettant au gouvernement camerounais de racheter la totalité des actifs actuellement détenus par Actis au sein de la société. Cette initiative, si elle aboutit, ramènera sous le contrôle de l’État camerounais les secteurs clés de la production et de la commercialisation d’électricité, laissant la gestion du transport électrique entre les mains de l’entreprise publique Sonatrel, créée en 2015.
L’ambition du gouvernement camerounais en matière de renationalisation d’Eneo est clairement affichée dans une correspondance émanant du secrétaire général de la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh, adressée au secrétaire général des services du Premier ministre, Séraphin Fouda, au cours du mois de septembre. Cette lettre précise que les actions visant à racheter les parts d’Actis dans Eneo seront coordonnées par un comité interministériel présidé par le ministre des Finances, en collaboration avec le ministre de l’Eau et de l’Énergie ainsi que le ministre de l’Économie. Le président de la République a expressément demandé au comité de traiter cette question avec la plus grande attention.
L’intérêt de la CNPS
Cette réorganisation intervient à la suite de révélations concernant des discussions entre Actis et la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS) du Cameroun. En effet, il y a quelques mois, la CNPS avait été mentionnée comme un potentiel acquéreur des actifs d’Actis dans Eneo, en partenariat avec la Société nationale des hydrocarbures (SNH), l’entité gouvernementale en charge de l’exploration et de l’exploitation pétrolière au Cameroun. La correspondance du secrétaire général de la présidence de la République précitée indique que le directeur général de la CNPS fait partie du comité interministériel chargé de superviser le processus de rachat des actifs d’Actis dans Eneo, ce qui renforce l’idée que cette entreprise publique souhaite prendre une part active dans la compagnie d’électricité.
Il est évident que le gouvernement camerounais, avec le soutien d’une société d’État aux performances financières solides, envisage de suivre le modèle de renationalisation qu’il a appliqué avec succès dans le secteur de l’eau potable. En effet, depuis 2007, la distribution d’eau potable au Cameroun avait été confiée à la Camerounaise des Eaux (CDE), une société créée en 2008 et contrôlée par un consortium marocain dirigé par l’Office national de l’eau potable (ONEP), composé des sociétés MedZ, Delta Holding et du cabinet de conseil en travaux publics Ingema.
Après dix années d’exploitation, le président camerounais a donné des instructions fermes au gouvernement de ne pas renouveler le contrat à son échéance, et de prendre toutes les mesures nécessaires pour que Camwater (Cameroon Water Utilities), également créée en 2008 pour gérer les infrastructures liées à l’eau potable, reprenne en main cette activité. Cette décision a marqué la fin de la privatisation et le retour de cette activité sous le contrôle de l’État, mettant ainsi en évidence les limites de la privatisation dans les secteurs de l’électricité et de l’eau potable au Cameroun, notamment en ce qui concerne la qualité des services fournis.
L’avenir de l’énergie électrique au Cameroun est donc en pleine mutation, avec une réorientation vers une gestion étatique, suivant la tendance observée dans le secteur de l’eau potable. Le gouvernement s’engage à garantir un meilleur contrôle des ressources énergétiques du pays, dans le but d’optimiser leur utilisation au profit de l’économie nationale et de la population. Ce virage vers la renationalisation marque une étape significative dans l’évolution de la politique économique camerounaise, et l’implication de KPMG France dans ce processus renforce la crédibilité de cette initiative sur la scène internationale. Les chiffres et les pourcentages joueront un rôle essentiel dans la réussite de cette opération stratégique, qui pourrait remodeler le paysage énergétique du Cameroun pour les années à venir.