Le cobalt, ressource stratégique pour l’industrie mondiale et particulièrement pour la transition énergétique, subit un nouveau coup. Le Département du Travail des États-Unis a récemment inscrit le cobalt extrait en République démocratique du Congo (RDC) sur la liste des biens produits par le travail des enfants, selon le rapport TVPRA 2024. Cette décision, bien que n’imposant pas de restrictions immédiates, pourrait avoir des répercussions significatives sur le marché de cette matière première, particulièrement en ce qui concerne son accès au marché américain.
D’après une note envoyée au gouvernement congolais par le « Cobalt Institute », « le Département du Travail des États-Unis a inclus le cobalt de la RDC dans la liste des biens produits par le travail forcé ou des enfants ». Ce geste marque un tournant dans la perception internationale de l’exploitation du cobalt en RDC, où environ 70% de la production mondiale est extraite.
Impact potentiel sur l’économie congolaise et mondiale
L’inclusion du cobalt congolais sur cette liste pourrait entraîner un ralentissement des échanges commerciaux, particulièrement avec les États-Unis, principal acteur du marché de la haute technologie. Si les entreprises américaines sont appelées à revoir leur chaîne d’approvisionnement, le cobalt de la RDC pourrait être évité, mettant ainsi en péril une part importante des 3,5 milliards de dollars annuels que représente l’exportation du minerai.
Ce risque est particulièrement aigu pour des secteurs tels que la fabrication de batteries électriques, qui représente 40% de la demande mondiale en cobalt. Les entreprises qui dépendent du cobalt, notamment dans la production de semi-conducteurs et de véhicules électriques, pourraient chercher à diversifier leurs sources d’approvisionnement, augmentant ainsi la pression sur le marché congolais.
Le coût social et financier du travail des enfants
Au-delà des impacts économiques directs, l’inscription sur la liste TVPRA soulève aussi des questions éthiques qui influencent les décisions des investisseurs internationaux. Les produits contenant du cobalt sont utilisés dans des technologies essentielles à la transition énergétique, comme les batteries lithium-ion et les panneaux solaires. Ces marchés, qui représentent plus de 15% des exportations totales de la RDC, risquent de subir une contraction en raison de la pression grandissante pour un approvisionnement responsable.
Le Département du Travail des États-Unis estime que les violations des droits humains, particulièrement le travail des enfants, sont un facteur de plus en plus scruté dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. Dans ce contexte, l’absence de transparence pourrait entraîner des sanctions économiques ou un désengagement d’investisseurs sensibles aux questions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG). Les entreprises minières opérant en RDC doivent donc redoubler d’efforts pour respecter les normes internationales sous peine de subir des pertes économiques significatives.
Conséquences pour les finances publiques congolaises
Si les exportations de cobalt venaient à être réduites en raison de cette inclusion, les finances publiques congolaises en subiraient directement les conséquences. En effet, le secteur minier représente environ 17% du PIB de la RDC, avec des recettes fiscales importantes issues de l’exportation des minerais. Une baisse des recettes fiscales liée à une diminution de la demande en cobalt aurait des effets directs sur le budget de l’État, aggravant ainsi les défis financiers du pays.
De plus, avec la chute potentielle des prix du cobalt sur le marché international, la RDC, déjà confrontée à des difficultés économiques, pourrait voir ses réserves de devises étrangères s’amenuiser. L’instabilité des revenus miniers pourrait également impacter les investissements dans des infrastructures essentielles, freinant ainsi le développement économique du pays.
La réponse de la RDC face aux enjeux économiques
La RDC, acteur majeur du marché du cobalt, doit réagir rapidement pour préserver ses parts de marché et rassurer les investisseurs. Le gouvernement congolais pourrait envisager des réformes visant à améliorer la traçabilité de l’origine du cobalt et à mettre en place des contrôles stricts pour éliminer le travail des enfants des chaînes d’approvisionnement.
Cependant, la mise en place de ces mesures pourrait nécessiter des investissements financiers importants. Si la RDC souhaite continuer à capitaliser sur sa position dominante dans le secteur du cobalt, une collaboration étroite avec les entreprises internationales et les organisations non gouvernementales sera essentielle. La transparence, la certification des chaînes d’approvisionnement et la conformité aux standards ESG sont désormais des enjeux incontournables pour l’économie congolaise.
Un avenir incertain pour le marché du cobalt
Si cette inclusion sur la liste TVPRA n’entraîne pas de sanctions immédiates, elle met néanmoins en lumière les défis croissants auxquels fait face le marché congolais du cobalt. Avec une demande mondiale en hausse, notamment en raison de l’électrification des transports, la RDC doit s’adapter rapidement pour éviter de voir ses revenus miniers s’effondrer.
L’avenir économique du cobalt congolais dépendra en grande partie de la capacité du pays à réformer son secteur minier, à garantir des conditions de travail décentes et à respecter les normes internationales. Sans cela, les conséquences financières pourraient être lourdes, non seulement pour le secteur minier, mais pour l’ensemble de l’économie congolaise.
M. MATUVOVANGA