Dans une missive ouverte d’une portée économique significative, les magnats européens de l’industrie des télécommunications ont lancé un appel interpelant fermement la Commission européenne. Leur impatience grandit quant à l’arrivée anticipée d’une participation financière des colosses américains du numérique, qui utilisent gracieusement leurs infrastructures exorbitantes pour offrir leurs services en ligne.
Les mastodontes de l’industrie tels que Telekom, Orange, Telefonica, et Vodafone ont uni leurs voix dans une lettre ouverte adressée à la Commission européenne en ce lundi du 2 octobre. Alors que la demande en trafic Internet augmente de manière constante, à un rythme oscillant entre 20 et 30 % annuellement, nécessitant des investissements massifs dans les infrastructures, ils pressent instamment l’autorité régulatrice européenne d’instaurer une équité contributive chez les géants américains.
Cette question épineuse est devenue un sujet récurrent dans le secteur des télécommunications européen. Elle cristallise le conflit opposant les détenteurs et bâtisseurs des canaux de transmission, les géants européens, aux utilisateurs de ces canaux pour la diffusion de leurs contenus, à savoir les géants américains. À l’ère du streaming et de la vidéo en ligne, les besoins en capacité de transmission s’amplifient, exigeant des canaux toujours plus larges et rapides.
À la fin du mois de septembre, les estimations européennes avançaient qu’il faudrait investir la somme colossale de 200 milliards d’euros dans la 5G et les infrastructures Internet d’ici la fin de la décennie pour maintenir le cap sur leurs objectifs. Cependant, six entreprises à elles seules accaparent la moitié du trafic Internet mondial : Google, Apple, Amazon, Microsoft, Meta… et Netflix.
Une menace pour la neutralité d’Internet ?
Cette situation, déjà dénoncée par Timotheus Höttges, le PDG de Deutsche Telekom, en février dernier, suscite des interrogations : « Est-il équitable que ces géants du cloud et du streaming utilisent nos infrastructures gratuitement ? Une répartition équitable s’impose entre ceux qui investissent des sommes colossales dans les infrastructures et ceux qui les exploitent. Je ne souhaite pas être contraint d’annoncer à nos clients : ‘Désolé, à partir de maintenant, l’accès à Netflix sera payant !’. »
Par suite d’une première lettre ouverte adressée en début d’année 2022, la Commission européenne avait promis d’élaborer un projet de loi à ce sujet. Toutefois, plusieurs organisations non gouvernementales défendant les droits des consommateurs et des libertés civiles ont émis des inquiétudes quant aux possibles répercussions sur la neutralité du net, invoquant le risque de sacrifier cette dernière pour satisfaire l’appétit vorace des groupes de télécommunications.