La microfinance, souvent citée comme levier de l’inclusion financière, joue un rôle central dans l’économie congolaise. En 2022, les institutions de microfinance ont connu une croissance remarquable, renforçant leur présence dans des secteurs clés. Pourtant, cette dynamique masque des faiblesses structurelles et des disparités régionales qui limitent son impact. Le rapport de la Banque Centrale du Congo offre un éclairage précieux sur ces enjeux.
Avec une progression de 15,6 % du total bilan en une année, le secteur a affiché des performances qui traduisent l’appétit croissant des Congolais pour des services financiers accessibles. Les dépôts d’épargne ont atteint 333,8 millions USD, tandis que l’encours des crédits a bondi de 25,7 %, pour culminer à 283,5 millions USD. Ces résultats témoignent d’une confiance accrue envers ces institutions. Pourtant, derrière ces chiffres prometteurs, des défis majeurs subsistent. La concentration géographique des activités reste un frein à l’expansion nationale, avec une prédominance écrasante des provinces de Kinshasa, Nord-Kivu et Sud-Kivu.
L’inclusion financière progresse lentement mais sûrement, avec près de 300 000 nouveaux comptes ouverts en 2022, soit une augmentation de 11 %. Cependant, une réalité frappante demeure : seuls 37 % des comptes appartiennent à des femmes. Cet écart reflète non seulement des barrières culturelles, mais également un manque de stratégies adaptées pour encourager leur participation. Par ailleurs, certaines provinces, comme Lomami, continuent de voir leur accès aux services de microfinance se détériorer, affichant un recul de 38,3 %.
Un autre point important est l’allocation des crédits. Si le secteur commercial capte la majorité des financements, avec 70,5 % des prêts octroyés, l’agriculture, pourtant vitale pour l’économie congolaise, ne reçoit qu’une part marginale des ressources disponibles. Avec seulement 6,9 % des crédits alloués à ce secteur, les défis liés à la sécurité alimentaire et à la productivité agricole restent largement ignorés. Ce déséquilibre reflète l’absence d’outils financiers adaptés pour soutenir durablement les agriculteurs, laissant ainsi un secteur clé sous-financé.
Les performances financières des institutions montrent une capacité à mobiliser des ressources locales, avec une augmentation significative des fonds propres de 63,4 %. Mais cette solidité apparente cache des fragilités structurelles. Une grande partie des ressources repose sur des dépôts à vue, représentant 73,4 % des passifs. Cette dépendance entrave leur capacité à financer des projets à long terme, limitant ainsi leur rôle dans le développement durable.
Malgré les réformes législatives introduites en 2022 pour améliorer la régulation et lutter contre les pratiques illicites, les défis de gouvernance persistent. Les petites institutions, en particulier, peinent à respecter les normes prudentielles, ce qui fragilise davantage leur position sur un marché de plus en plus compétitif.
Face à ces constats, plusieurs pistes de réflexion émergent. L’une des priorités serait de diversifier l’offre de services financiers, notamment en développant des produits adaptés au secteur agricole et aux régions marginalisées. La promotion de l’inclusion des femmes et des populations rurales par des campagnes ciblées et l’utilisation accrue des technologies numériques pourrait également accélérer le processus d’intégration financière. En parallèle, le renforcement des capacités institutionnelles, à travers des formations et un meilleur encadrement réglementaire, s’impose pour assurer une gestion efficace et durable.
La microfinance en RDC, bien qu’en pleine expansion, reste un outil sous-exploité pour transformer l’économie et réduire les inégalités. Si des mesures audacieuses ne sont pas prises rapidement, les disparités actuelles risquent de perdurer, limitant ainsi l’impact de ce secteur sur le développement économique et social du pays. Les opportunités existent, mais leur réalisation nécessite une vision stratégique et des actions coordonnées.
M. KOSI