L’étude récente menée par l’économiste français Pierre Jacquemot dévoile les dessous économiques du conflit armé persistant dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), particulièrement dans la région minière de Rubaya, au Nord-Kivu. Réputée pour ses immenses réserves de coltan, une matière première stratégique utilisée dans la fabrication des composants électroniques, cette zone est aujourd’hui au cœur d’une intense lutte d’influence économique et militaire.
Selon l’étude relayée par Deskeco, le contrôle de Rubaya représente un enjeu économique majeur pour les groupes armés, notamment le M23, soutenu militairement par le Rwanda. Cette milice, désormais forte de quelque 4 000 combattants depuis début 2025 selon des chiffres confirmés par les Nations Unies, exerce un contrôle rigoureux sur la production et l’acheminement du coltan. Ces soldats seraient directement soutenus par un contingent rwandais de même ampleur, soit environ 4 000 hommes, positionnés autour des points stratégiques comme les lacs Édouard et Kivu.
Avant d’être placée sous l’emprise totale du M23 en avril 2024, l’exploitation minière de Rubaya était dominée par la Société Minière du Bisunzu (SMB), dirigée par un député congolais issu de la communauté tutsi. Cette entreprise bénéficiait également de la protection d’éléments infiltrés par les services de sécurité rwandais, facilitant ainsi un contrôle indirect des richesses par Kigali.
Pierre Jacquemot révèle qu’à la prise de contrôle par le M23, les milices associées à la société minière du Bisunzu, essentiellement constituées d’anciens combattants transformés en politiciens locaux, ont été chassées par la force. Désormais, ces mines, représentant près de 60 % des réserves mondiales de coltan, sont entièrement exploitées au profit du groupe rebelle, qui en organise le trafic direct vers le Rwanda.
Sur le plan financier, les rebelles imposent des prélèvements particulièrement élevés sur chaque chargement de minerai exporté illégalement. Ainsi, les mineurs et négociants locaux doivent verser des sommes importantes au M23 : 3 000 dollars américains par tonne de coltan et 2 000 dollars américains par tonne de cassitérite, selon l’étude.
Le rapport détaille également un système sophistiqué de blanchiment des minerais extraits : transportés clandestinement au Rwanda, ces minerais sont mélangés avec la production locale pour obtenir un label « made in Rwanda« . Cette technique permet au pays voisin d’exporter légalement des minerais initialement extraits illégalement en RDC.
Face à cette situation, la communauté internationale reste en alerte, tant les enjeux économiques et sécuritaires sont imbriqués dans ce trafic, menaçant durablement la stabilité de la région des Grands Lacs.
– M.KOSI






