La présence active de la délégation européenne lors de la DRC Mining Week à Lubumbashi, clôturée le 14 juin, n’avait rien d’anodin. À travers des annonces concrètes et des engagements financiers ciblés, l’Union européenne confirme sa volonté de consolider un axe stratégique autour du cobalt congolais, essentiel à la production de batteries électriques sur le Vieux Continent.
Au cœur des discussions, la European Battery Alliance a mis en exergue l’urgence d’établir un corridor industriel transparent et fiable entre la RDC et l’Europe. Face à une demande continentale estimée à 500 000 tonnes de cobalt raffiné d’ici 2030, l’enjeu n’est plus simplement minier, mais technologique et géopolitique. L’objectif européen est clair : diversifier ses approvisionnements hors du périmètre chinois tout en investissant dans une traçabilité renforcée à la source.
Le partenariat stratégique entre Bruxelles et Kinshasa, signé en 2023, entre désormais dans sa phase opérationnelle. Premier jalon : le financement par l’UE du programme Cobalt for Development, en partenariat avec GIZ et l’Entreprise Générale du Cobalt (EGC). Cette initiative vise à formaliser l’exploitation artisanale sur plusieurs sites pilotes à travers l’amélioration des standards sanitaires, environnementaux et sociaux. L’EGC, bras public congolais chargé de centraliser l’achat de cobalt artisanal, peine à instaurer un cadre structuré depuis sa création en 2019. Ce soutien technique et financier européen pourrait donc permettre une montée en compétence indispensable pour rendre la filière conforme aux normes ESG exigées par les grands donneurs d’ordres.

Deuxième levier engagé : le lancement prochain du programme Panafgeo+, un projet conjoint de l’UE, du Bureau français de recherches géologiques et minières (BRGM) et du Musée royal de l’Afrique centrale. L’enveloppe allouée permettra de renforcer la cartographie et la digitalisation du cadastre minier via le Service Géologique National du Congo (SGNC). Or, dans un secteur où l’absence de données fiables bloque à la fois la régulation et l’attractivité pour les capitaux privés, cette réforme technique est déterminante.
Lors du panel organisé par GIZ, Jervois et Glencore, plusieurs intervenants ont souligné que la RDC reste freinée par une fiscalité imprévisible, une sous-capitalisation de ses régies techniques et un système bancaire encore peu connecté aux besoins du secteur extractif. L’Union européenne insiste donc sur la nécessité d’un cadre juridique clair, d’une gouvernance publique renforcée et de canaux de financement sécurisés si le pays veut maximiser sa rente sur les minerais critiques.
En toile de fond, une tension palpable : d’un côté, l’Europe cherche à répondre à son Pacte Vert en réduisant sa dépendance vis-à-vis de la Chine ; de l’autre, la RDC veut éviter d’être cantonnée à son rôle d’exportateur de matières brutes. Les discussions de Lubumbashi ont permis de rappeler que la valeur du cobalt ne réside plus uniquement dans le tonnage exporté, mais dans la capacité à intégrer les chaînes industrielles globales. Encore faut-il que les projets annoncés ne s’enlisent pas dans les lenteurs bureaucratiques ou les conflits d’intérêts internes.
En injectant des moyens dans l’assainissement de la filière artisanale et la structuration des données géologiques, l’Union européenne pose les bases d’un partenariat qui dépasse le simple troc minerai-contre-devise. À condition que l’agenda se poursuive sans renoncements, la RDC pourrait tirer des recettes fiscales plus stables et mieux réparties, tout en s’inscrivant dans les circuits mondiaux de l’électromobilité.
— Peter MOYI