La République démocratique du Congo vient d’officialiser un jalon important dans ses engagements macroéconomiques : le 17 juin, le ministre des Finances, Doudou Fwamba, a signé le Mémorandum des politiques économiques et financières, document structurant pour la finalisation du nouveau programme soutenu par le Fonds monétaire international. Cette signature, intervenue à deux semaines de la session du Conseil d’administration du FMI prévue le 2 juillet, s’inscrit dans un calendrier de plus en plus resserré où la discipline budgétaire est devenue centrale.
Dans le contenu, le mémorandum reprend les engagements pris par Kinshasa dans le cadre de la Facilité élargie de crédit (FEC). Il s’agit notamment de mesures liées à l’amélioration des recettes intérieures, à la limitation des dépenses non prioritaires et au renforcement des contrôles sur les subventions et les exonérations fiscales. Ces éléments sont d’autant plus stratégiques que la dette publique congolaise, en grande partie contractée à l’étranger, atteint un seuil préoccupant : environ 24 % du PIB, selon les dernières données disponibles, dont près de 70 % libellés en devises étrangères. Cela accroît la vulnérabilité du pays face aux fluctuations du franc congolais et aux hausses de taux directeurs à l’international.
Le geste posé par le ministre des Finances ne se limite pas à un acte symbolique. Il cristallise une convergence institutionnelle entre les ministères des Finances, du Budget et la Banque centrale du Congo. Ces trois piliers de la politique économique sont appelés à agir en synergie pour traduire, d’ici fin juin, les engagements écrits en actions mesurables. Cela implique, entre autres, une exécution rigoureuse des lignes de crédit, un pilotage strict de la liquidité bancaire, et une gestion plus transparente des dépenses engagées par procédure d’urgence – lesquelles ont dépassé les 900 millions USD en 2024, selon le ministère des Finances.
La démarche s’inscrit dans un contexte budgétaire très tendu. Le Parlement a récemment ratifié huit accords de prêts internationaux pour un montant total d’environ 1,9 milliard de dollars, dont une part importante provient de la Banque mondiale et de l’Agence française de développement. Ces ressources sont affectées à des projets d’infrastructures critiques comme Inga 3 – dont le coût global est estimé à plus de 14 milliards USD – ou encore la prévention des catastrophes naturelles dans des zones à forte densité urbaine comme Kalemie et Boma. Si ces investissements peuvent stimuler la croissance à moyen terme, ils alourdissent dans l’immédiat le service de la dette extérieure.
Du côté monétaire, la Banque centrale se retrouve en position d’arbitre délicat. Alors que l’inflation annuelle a franchi la barre des 21 % en glissement sur douze mois, les marges de manœuvre sur le taux directeur restent limitées. Toute contraction monétaire trop brutale risquerait d’étouffer les flux de crédits encore fragiles. Mais l’absence de réaction renforcerait les pressions sur le taux de change, déjà affaibli par une forte demande de devises liée aux importations publiques.
Le FMI observe de près ces ajustements, car au-delà des chiffres, c’est la cohérence du pilotage économique qui est scrutée. Kinshasa devra convaincre que les réformes engagées ne sont pas simplement dictées par la proximité d’une revue institutionnelle, mais relèvent d’une volonté durable de restaurer la soutenabilité des finances publiques. Cela inclut la refonte des mécanismes de contrôle interne, une politique salariale plus rationnelle, et surtout la mise au pas des entreprises publiques, dont les déficits cumulatifs absorbent une part importante des subventions sans gains de performance mesurables.
Le prochain programme avec le FMI pourrait ainsi intégrer des critères plus stricts de performance, avec un accent sur la gestion de la trésorerie de l’État, la traçabilité des dépenses et le respect des seuils de déficit. Il est aussi question d’un suivi plus rigoureux des décaissements liés aux projets financés sur ressources extérieures, afin de limiter les retards et les surcoûts, fréquents dans les marchés publics.
Dans cette séquence, la signature du mémorandum constitue moins une fin qu’un test de crédibilité. Si les promesses ne sont pas rapidement traduites en actes, le FMI pourrait revoir sa position. À court terme, tout faux pas aurait des conséquences directes : gel de décaissements, aggravation du déficit de financement, et hausse du coût du crédit sur les marchés bilatéraux et multilatéraux.
— Peter MOYI