Par Joel Kioni, Analyste économique et géopolitique
L’économie de la République Démocratique du Congo (RDC), l’un des principaux acteurs mondiaux dans le secteur minier, connaît un tournant significatif qui promet d’influencer considérablement son paysage économique et géopolitique. Le déclin apparent de l’ancienne voie d’exportation du cuivre, autrefois exploitée par la Société Nationale des Chemins de fer du Congo (SNCC) et l’ex-Office National des Transports (ONATRA), ouvre la porte à de nouvelles opportunités et alliances dans le secteur minier.
La fin d’une ère pour le rail-fleuve congolais
La route ferroviaire Ubundu-Kisangani, longue de 125 km, semblait être la solution idéale pour le transport du cuivre et des minerais connexes. Cependant, elle est désormais confrontée à des obstacles majeurs, notamment l’écartement du rail, inadapté aux locomotives modernes. Cette route aurait dû relier le sud du Haut-Katanga et du Lualaba à Kindu, avant de passer par voie fluviale de Kindu à Ubundu. Malheureusement, l’ITB Kokolo de la Société Congolaise des Transports et des Ports (SCTP), l’ex-ONATRA, n’est plus le maillon fort de cette chaîne, étant désormais utilisée à d’autres fins.
L’autre voie d’exportation via l’Afrique du Sud, avec les ports d’Elizabeth et East London, qui s’était imposée à la fin des années 90, montre également des signes de faiblesse. La RDC a évolué vers de nouveaux partenariats, mettant fin à l’influence sud-africaine qui prévalait.
Deux puissants alliés rivaux : l’Angola et la Tanzanie
L’Angola et la Tanzanie émergent comme des acteurs clés dans cette nouvelle ère de l’économie minière congolaise. Le président Félix-Antoine Tshisekedi a consolidé les liens avec l’Angola, en particulier pour garantir la stabilité politique en RDC. Luanda offre également une sécurité contre les ambitions expansionnistes du Rwanda voisin.
De même, la Tanzanie est une puissance régionale qui a joué un rôle crucial dans la stabilisation de l’est de la RDC. Sa participation militaire en 2013 a contribué à contrer les menaces du M23. La Tanzanie exerce également une influence significative au sein de la Communauté des États de l’Afrique de l’Est (EAC), où elle tente d’instaurer une zone neutre autour de Goma pour éviter des affrontements sanglants entre les Forces Armées de la RDC (FARDC) et le M23.
Une nouvelle route pour les exportations de cuivre
Le président zambien Hakainde Hichilema et son homologue congolais Félix Tshisekedi ont récemment inauguré la construction d’un pont traversant la rivière Luapula. Cette étape cruciale s’inscrit dans la création d’une nouvelle route reliant la RDC à la Tanzanie via le territoire zambien. Cette route raccourcira considérablement les distances pour les exportations de cuivre et de cobalt, deux métaux précieux dans la transition énergétique.
GED Africa, l’entreprise pilote du projet, prévoit un investissement de 850 millions de dollars pour des travaux s’étalant sur trois ans. Ils comptent mobiliser 30 % des fonds propres et obtenir le reste sous forme de prêts de la Trade and Development Bank (TDB) et de l’African Finance Corporation.
Croissance de la production de cuivre
La RDC est devenue le troisième producteur mondial de cuivre l’année dernière, avec une production de 2,3 millions de tonnes, en hausse par rapport à 1,8 million de tonnes en 2021. De son côté, la Zambie vise à produire 3 millions de tonnes de cuivre par an au cours de la prochaine décennie, un objectif ambitieux par rapport à sa production actuelle de moins d’un million de tonnes par an.
Le port de Dar es Salaam : un enjeu historique
Le port de Dar es Salaam, qui reçoit une grande partie des exportations de cuivre congolais à destination de la Chine, a une histoire complexe. Il a été construit en partie avec des fonds de la RDC à l’époque coloniale. Après l’indépendance, il est resté congolais jusqu’à sa nationalisation par le président tanzanien Julius Nyerere en 1971.
Malgré les efforts pour obtenir une compensation de la part de la Tanzanie envers la Gécamines, ces négociations n’ont pas avancé ces dernières années.
Implications géopolitiques
Tandis que Luanda pousse Kinshasa à moderniser son réseau ferroviaire, le financement européen et américain s’engage dans la rénovation du corridor de Lobito, un chemin de fer crucial reliant la RDC et la Zambie aux marchés internationaux via le port de Lobito en Angola. Cette implication occidentale complexifie les enjeux économiques et géopolitiques au-delà de la région.
L’avenir de la RDC dans le secteur minier est en constante évolution, avec des partenariats et des routes d’exportation en mutation. Le président Félix Tshisekedi doit jongler avec ces changements pour préserver les intérêts congolais, tout en s’alignant sur les besoins croissants de l’économie mondiale en cuivre et en cobalt.