La République démocratique du Congo a engagé plus de 90 millions d’euros de ressources publiques dans des contrats de sponsoring avec des clubs européens de football, dont 43 millions d’euros hors taxes versés au FC Barcelone sur une période de quatre saisons. Cette initiative, portée par le ministère congolais des Sports, vise à promouvoir le slogan « RDC, cœur de l’Afrique » à travers les plateformes médiatiques de ces clubs et à renforcer la visibilité du pays dans l’univers sportif mondial.
Le contrat, effectif depuis le 1ᵉʳ juillet, inclut la diffusion du message promotionnel sur les maillots d’entraînement du club catalan les jours de match, ainsi que la présence du logo de la RDC dans les installations du Spotify Camp Nou, à sa réouverture prévue pour le 10 août. Des prestations complémentaires sont prévues : mise à disposition de droits d’image sur les joueurs, billets d’hospitalité, maillots officiels, et la tenue annuelle de quatre stages sportifs pour des jeunes Congolais en Espagne.
Cette opération survient dans un contexte budgétaire sous tension. En 2023, les dépenses publiques de la RDC ont dépassé les 20 milliards de dollars selon le ministère des Finances, dont à peine 0,4 % alloué au secteur des sports. Le sponsoring étranger, tel qu’il a été conçu, absorbe à lui seul près de 10 % des dépenses annuelles affectées à l’investissement dans l’éducation et la santé réunies, deux postes structurellement sous-dotés et essentiels au redressement économique du pays.
Alors même que la Banque centrale du Congo mène une politique de resserrement monétaire pour contenir l’inflation – qui a frôlé 13,5 % sur un an glissant au premier trimestre 2025 – ces transferts vers des clubs étrangers posent la question de leur rentabilité réelle. Aucun mécanisme d’évaluation ex ante de l’impact économique direct ou indirect de ces contrats n’a été communiqué. Le ministère évoque une stratégie d’image à long terme, sans qu’aucun indicateur de retour sur investissement n’ait été présenté.
Dans le même temps, le football congolais est à l’arrêt. Aucun championnat national ne s’est tenu au premier semestre 2025, faute de financement. Les clubs historiques comme V. Club ou TP Mazembe accumulent les retards de salaire et réduisent leurs effectifs. Plus préoccupant, le taux de pratique du sport chez les jeunes chute : une enquête du ministère de la Jeunesse publiée en avril 2025 fait état d’un recul de 18 % en deux ans, accentué par l’absence d’infrastructures et la fermeture de centres de formation.
Cette asymétrie entre dépenses à l’étranger et déclin domestique du sport alimente une contestation croissante. Le gouvernement, via un communiqué du ministère des Sports daté du 12 juillet, a tenté de justifier ces initiatives en évoquant la création prochaine d’un Fonds de promotion du sport, d’une Académie nationale multisports et d’une Régie des infrastructures sportives. Aucune ligne budgétaire ni échéancier n’ont cependant été détaillés, et ces annonces s’ajoutent à de nombreux engagements similaires formulés par le passé sans concrétisation.
Du point de vue macroéconomique, la décision interroge sur la hiérarchisation des priorités en période d’optimisation des ressources. L’aide publique étrangère représente encore plus de 34 % du budget national, et les dépenses à caractère promotionnel orientées vers l’extérieur, lorsqu’elles sont financées par emprunt ou au détriment des services publics, affaiblissent la trajectoire de soutenabilité budgétaire.
La RDC, qui a récemment sollicité une nouvelle facilité élargie de crédit auprès du FMI, est appelée à améliorer la transparence de ses dépenses et à cibler les investissements susceptibles de renforcer la résilience sociale. En l’état, l’opération Barcelone semble relever davantage d’un arbitrage politique que d’une stratégie économique structurée. Sans impact mesurable à court terme, elle risque d’accentuer la défiance à l’égard des institutions nationales dans un climat marqué par une montée des tensions sociales et un repli de la confiance des ménages.
— LA REDACTION






